Société de l'Information Psychiatrique

Madame la Ministre,

Au vu du nombre important de rapports officiels qui lui ont été consacrés ces dernières années, et ce, quels que soient les gouvernements en place, il ne peut être contesté que la psychiatrie tient une place à part dans l’organisation sanitaire du pays. Le nier reviendrait à désavouer le rôle des travaux parlementaires commandés sur le sujet.

Cette attention particulière que lui ont portée les élus et les administrations de l’État, et qu’aucune autre discipline médicale ou chirurgicale n’aura suscitée, aurait donc dû logiquement déboucher sur une reconnaissance de ses spécificités dans les politiques de santé publique. La demande formulée par la profession dès le projet de loi du 5 juillet 2011 pour qu’une loi cadre « psychiatrie et santé mentale » soit élaborée et avance sur des chantiers gelés comme celui de son type de financement, n’appelait pas à autre chose.

Au lieu de cela, la loi de modernisation du système de santé qui se trouve sur le point d’être adoptée, ne réserve qu’un article 13 à son organisation. Article qui fait reposer le travail de liaison et de proximité que la sectorisation psychiatrique avait construit, sur la simple bonne volonté aléatoire des acteurs qui se sentent concernés par la santé mentale, sans répondre à la disparition du support juridique de cette organisation que la Cour des Comptes avait soulignée dans son rapport de 2011.

Et quand à cette fragilisation d’organisation, s’ajoute selon l’article 27 l’obligation pour les établissements de santé de constituer des GHT sans spécificité d’activité pour la psychiatrie, il faut bien constater que la loi de modernisation du système de santé finit, après la loi HPST, de consommer la dissolution de la psychiatrie.

C’est bien ce qu’ont compris les ARS qui, sans attendre le vote de la loi, préfigurent déjà des GHT mêlant psychiatrie et MCO, sans même se soucier du projet médical obligatoire qui devrait en valider la pertinence pour les populations concernées.

C’est pourquoi notre syndicat appelle à une prise de conscience des risques que fait courir cette loi pour l’efficacité et la qualité des soins en psychiatrie, et demande une nouvelle fois, comme ont également tenté de le faire des partenaires tels que la conférence des PCME de CHS en juillet, et l’ADESM le 29 septembre, que le texte de loi et son article 27 n’imposent pas à la psychiatrie de rentrer dans des GHT généralistes.

Les psychiatres d’exercice public, les commissions médicales d’établissement en voie de recomposition et les présidents qu’elles vont élire, sont d’ores et déjà appelés à se mobiliser en investissant les projets médicaux qui engageront leur établissement, le type de soins apportés aux populations desservies dans de nouveaux territoires et aussi leurs conditions de travail.

Cet article 27 détient comme enjeu la capacité de ce gouvernement et des majorités parlementaires à porter ou non le dernier coup fatal à un outil sanitaire sensé répondre à des missions publiques toujours croissantes, qui font appel aux capacités de la psychiatrie en matière d’innovation, de prévention, de soins et d‘insertion dans le domaine exigeant de la santé mentale.

Si cette loi vise réellement à réduire les inégalités de soins et à relever pour la société le défi des maladies chroniques, deux sujets qui concernent particulièrement la santé mentale, la prise en compte des spécificités de la psychiatrie face à ces futurs dispositifs de GHT est une absolue nécessité.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.

Dr Marc Bétrémieux
Président du SPH

Dr Isabelle Montet
Secrétaire Générale du SPH