Lors de sa visite à l’hôpital Sainte-Anne, Madame la Ministre de la santé affirmait que
la psychiatrie et la santé mentale avaient toute leur place dans la rénovation de la
politique de santé publique que doit concrétiser la loi dite de modernisation du
système de santé, récemment promue. Elle y assurait que la loi renforcerait
l’organisation territoriale de la psychiatrie et qu’il n’était pas question de faire
disparaître ses spécificités au sein des autres spécialités médicales.
Mais dans les faits, à quelques jours de l’échéance imposée par la loi pour constituer
des groupements hospitaliers de territoire (GHT), c’est une toute autre réalité qui se
dessine : la primauté donnée aux regroupements des établissements de santé se
traduit dans les régions par des préfigurations de GHT qui semblent d’avantage
guidés par des logiques de rationnement que par la cohérence du diagnostic
territorial des besoins qui doit les motiver.
Prise dans cette exigence de mutualisation pilotée par les ARS, la psychiatrie est
poussée à se fondre dans un redécoupage des territoires de santé principalement
orientés par l’implantation régionale ou interrégionale des hôpitaux ayant une activité
MCO et se trouve ainsi reléguée au rang d’activité accessoire, sans spécificité.
L’organisation de la psychiatrie publique n’est de ce fait pas prise en compte selon le
maillage des partenariats et de continuité des soins sectorisés tissé au sein des
territoires qu’elle dessert, mais contrainte d’incorporer la logique de mutualisation de
ressources qui prévaut pour des GHT non spécifiques, sans prise en compte du
diagnostic de territoire de santé mentale prévu par la loi.
De plus les communautés psychiatriques de territoire qui devraient jouer un rôle
majeur dans le dispositif sectoriel par rapport aux GHT, bien que prévues dans la loi,
ne font l’objet d’aucun projet de décret d’application malgré les engagements. Elles ne
font même pas l’objet de concertation.
Si la psychiatrie est confrontée dans les régions à l’impossibilité de déroger à
l’obligation d’être membre d’un GHT ou de constituer un GHT spécifique, ce sont les
principes mêmes annoncés de la loi qui seront empêchés : outre le risque de
déconstruire les partenariats localement installés par la politique de sectorisation
pour permettre des soins de proximité extrahospitaliers et adaptés dans leur diversité
aux besoins complexes de la santé mentale, la psychiatrie subira le retour du
cloisonnement et les effets d’un système centré sur l’hôpital.
Si le diagnostic territorial de santé mentale le justifie, la dérogation aux GHT ou les
GHT spécialisés sont à privilégier. Le projet médical partagé est bien le préalable à la
constitution de tout GHT et il doit obligatoirement intégrer des réponses au projet
territorial de santé mentale motivé par les besoins.
Les professionnels intervenant en santé mentale sont investis historiquement dans la
construction d’un maillage de réponses à apporter à des populations fragilisées : ce
maillage territorial initié par la politique de secteur dont les principes n’ont pas été
remis en question par les réformes successives, ne doit pas être défait par des
décisions imposées par la lecture simpliste de l’article 107 de la loi de santé.
Nous attendons du ministère des signes forts pour que les engagements pris pour la
politique de santé mentale et de psychiatrie soient respectés et que le contenu de
l’article 69 de la loi de santé pour la mission de psychiatrie de secteur ne soit pas
fictif. En l’absence de traduction effective dans les régions de ces engagements, c’est
l’ensemble des acteurs, usagers, familles, professionnels et élus impliqués dans la
santé mentale qui devra en tirer les conséquences.