Société de l'Information Psychiatrique

Prévention du suicide: près de 10% de morts en moins grâce au dispositif VigilanS

LILLE, 3 mars 2017 (APMnews) – Le dispositif régional de prévention du suicide pour les patients ayant déjà été hospitalisés pour une tentative, développé en Nord-Pas-de-Calais, a permis d’éviter près de 10% de décès, selon un bilan du dispositif depuis sa création, transmis à APMnews vendredi par la Fédération régionale de recherche en santé mentale Hauts-de-France (F2RSM).

VigilanS est un dispositif régional de prévention du suicide pour les patients ayant déjà été hospitalisés pour une tentative, promu par le CHU de Lille et expérimenté depuis janvier 2015 dans le Nord et le Pas-de-Calais, rappelle-t-on (cf APM VL1NJB45S).

Concrètement, c’est un dispositif de veille post-hospitalière sur au moins six mois après une tentative de suicide. Après la tentative, les services qui ont pris en charge le patient en urgence signalent sa sortie au dispositif VigilanS et lui remettent une « carte ressource » sur laquelle figure un numéro d’appel d’urgence gratuit. VigilanS informe alors par courrier le médecin traitant et/ou le psychiatre référent du patient de la mise en place du dispositif et leur transmet un numéro de téléphone de recours.

Les personnes sont ensuite recontactées selon différentes modalités, selon qu’il s’agit d’une récidive ou non, par téléphone, par SMS, ou par « cartes postales ». Si au bout de six mois, la situation est toujours difficile, une nouvelle veille de six mois est mise en place.

Dans le rapport d’évaluation de 14 pages réalisé par la F2RSM, il est indiqué que tous les sites hospitaliers accueillant des suicidants dans le Nord et le Pas-de-Calais « ont rejoint volontairement le dispositif ».

« L’année 2016 est donc la première année ‘pleine’ où la quasi-totalité des sites incluaient VigilanS dans leur prise en charge », est-il précisé, néanmoins « hors cliniques privées et établissements pénitentiaires ».

Cela dit, si l’évaluation se concentre sur ce périmètre, il est souligné qu’au 27 février 2017, les équipes de VigilanS terminent la mise en place du dispositif « dans les cliniques privées de la région » et débutent « le déploiement en milieu pénitentiaire » -VigilanS est ouvert à l’unité d’hospitalisation spécialement aménagée (UHSA) de Seclin (Nord) et pour le quartier des femmes de la maison d’arrêt de Sequedin (Nord).

Plus de 3.000 patients entrés dans le dispositif en 2016

Concernant l’évaluation de l’année 2016, le rapport fait état de 3.150 patients suicidants entrés dans le dispositif, dont 51% de primosuicidants.

Il comptabilise 700 appels entrants d’une durée moyenne de 26 minutes, 2.000 patients contactés (appels sortants), 1.400 appels 10 jours après la sortie de l’hospitalisation, d’une durée moyenne de 25 minutes, avec « 60 transferts à la régulation pour envoi de moyens » et « 200 situations de crise aigues ». Il compte aussi 1.500 appels à des professionnels et 1.500 envois de cartes.

Enfin, il recense 34% de perdus de vue à l’appel à six mois, une durée moyenne des appels à six mois de 44 minutes, et 20 décès par suicide « connus » en 2016.

Selon le rapport, les tentatives de suicide (TS) ont baissé dans le Nord et le Pas-de-Calais de 7,8% entre 2014 et 2016, passant de 9.330 passages aux urgences pour TS en 2014 à 8.604 passages en 2016. « Si on ne considère l’évolution que dans les centres ouverts dès 2015, la diminution est de -9,5% », est-il souligné.

Le document s’intéresse aussi à la « pénétrance » de VigilanS, calculée en divisant le nombre d’entrées dans le dispositif par le nombre de passages aux urgences pour TS sur la même période.

La pénétrance moyenne est de 38%, « plus forte dans le Pas-de-Calais (58%) que dans le Nord (30%) ». Il est signalé un lien clair entre nombre de TS et taux de pénétrance. Ainsi, il a été constaté une hausse de 15,2% des TS dans cinq centres avec une pénétrance inférieur à 25%, mais une baisse de 8,4% dans huit centres si la pénétrance est entre 25% et 45% et même une diminution de 23,3% dans six centres si la pénétrance est supérieure à 45%.

Une diminution de 29 décès en un an

Sur les chiffres disponibles, qui recensent 39% des décès par suicide dans le Nord-Pas-de-Calais, le rapport constate une diminution de 29 décès par an entre la période 2012-2014 et 2015-2016 soit 9,9% de morts évitées.

De plus, six mois après leur premier séjour hospitalier pour TS, la probabilité d’un nouveau séjour pour la même raison est de 4,1% chez les patients Vigilans, et de 6,8% chez les patients picards (patients hospitalisés en MCO avec diagnostic de TS dans des établissements témoins).

En d’autres termes, « les personnes ayant été pris en charge après leur TS dans un établissement picard présentent un risque de récidive 1,7 fois plus élevé que les personnes suivies dans VigilanS ».

En étudiant les coûts rapportés dans la littérature sur les conduites suicidaires, le rapport conclue à une balance favorable de plus de 3,5 millions par an « pour le seul système de santé » et 8,7 millions d’euros d’économies pour la société, alors que le dispositif coûte 350.000 euros par an.

Pérenniser le dispositif en se focalisant sur certaines zones

Au vu de ces résultats, les promoteurs du dispositif demandent « la pérennisation de l’action », en fin de rapport.

Le document appelle aussi à « focaliser [les] efforts sur certaines zones géographiques ». Ainsi, « Cambrai, en pleine crise institutionnelle à l’hôpital et aux urgences » est « aussi une zone de surmortalité régionale par suicide ». De plus, « la métropole lilloise […] concentre beaucoup de suicidants mais avec une pénétrance insuffisante en dehors du CHU ».

« Il faut compléter l’action de la veille par une action de formation auprès des professionnels en contact avec les groupes les plus à risque et par une action de prévention universelle, de manière à déployer une action authentiquement multifocale (universelle, spécifique et ciblée », est-il aussi souligné.

Le rapport détaillé en lien ci-dessous :

Rapport d’évaluation – VigilanS