Société de l'Information Psychiatrique

Conseil du mardi 22 mars 2016

10 heures à 17 heures

MEDITEL – Salle 1er étage

28 Bd Pasteur – 75015 Paris

Précédé d’un Bureau

Le lundi 21 mars à 17 H 30

MEDITEL – Salle A rez-de-chaussée

Réunion questions juridiques : Mardi 22 mars à 8 H 30 salle 1er étage

CONSEIL DU MARDI

Ordre du jour

Matin

 

  1. Dynamique syndicale :
    1. Mouvement syndical 
    2. Situations individuelles et collectives – accompagnements du SPH
  2. Projet de décrets et concertations DGOS
  3. Décret CME – Charte de bonnes pratiques et de gouvernance
  4. Expertises pour les praticiens hospitaliers et COSP
  5. Conseil National Professionnel de Psychiatrie & DPC
  6. Plan Autisme et inspections des hôpitaux de jour

 

Après-midi

 

  • Loi de santé – les CPT et les GHT

Avec la participation de Pascal Mariotti, président de l’ADESM

  1. Préparation de l’AG syndicale Bruxelles
  2. Courrier au Président du CNOM
  3. Adhésion 2016 FEMS 
  4. Questions diverses

Documentation

Planning 2016 SPH – SIP. 3

Des garanties sont demandées sur la place des communautés psychiatriques au sein des futurs GHT. 4

Les médecins du CHS de Montéran jugent « inutile » l’adhésion de leur hôpital à un GHT guadeloupéen. 4

GHT et psychiatrie: les sept propositions de « bon sens » de l’Adesm… 5

Marisol Touraine tente de rassurer les hospitaliers en installant le comité de suivi des GHT. 6

Le projet médical partagé sera bien « le ciment du GHT ». 7

La mission Hubert-Martineau fournit à Marisol Touraine ses dernières clés pour constituer les GHT    11

Éviter les produits T2A dans le budget annexe. 11

L’Adesm soutient la création de GHT à taille humaine à travers une série de propositions. 12

GHT: les hôpitaux psychiatriques « pilotes des actions du projet médical partagé » qui les concernent (FHF et conférences)  13

La FHF et les conférences proposent trois grandes orientations de principe pour la mise en œuvre des GHT   14

Projet de décret GHT – Remarques de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux. 15

La psychiatrie universitaire prône sa meilleure intégration « possible » dans des GHT polyvalents. 18

Demain, des praticiens hospitaliers tous nomadisés ?. 19

Sans experts la justice est nue. 20

Loi de santé: publication du décret renforçant le rôle des CME.. 22

Décret no 2016-291 du 11 mars 2016 relatif à la commission médicale d’établissement, au règlement intérieur et aux fonctions de chefs de services et de responsables de départements, unités fonctionnelles ou structures internes des établissements publics de santé   24

Financement de la psychiatrie: le comité de pilotage va bien se mettre en place (DGOS). 25

Le CGLPL plaide pour une instance nationale recensant les isolements et contentions de patients. 27

« En psychiatrie, l’humiliation n’est jamais un acte de soin ». 27

Il ne fait pas bon être en HP dans l’Ain. 28

Recommandations en urgence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 8 février 2016 relatives au centre psychothérapique de l’Ain (Bourg-en-Bresse) 30

Inspection des hôpitaux de jour enfants. 35

L’expérimentation institutionnelle d’ABA en France : une sévère désillusion. 36

 

 

 

Planning 2016 SPH – SIP

MEDITEL (Salle A)

28 Bd Pasteur
75015 Paris

MEDITEL (Salle 1er étage)

28 Bd Pasteur
75015 Paris

 

Lundi

Mardi

Janvier

25 janvier

14H30 – 17H30 – CA SIP

17H30 -19H30 – Bureau SPH

26 janvier

8H30 -10H – Atelier Droit et juridique

10H -17 H – Conseil SPH

Mars

7 mars

10H – 12H30 – CA SIP

14H30 -17H – Bureau SPH

21 mars

14H30 – 17 H – CA SIP

17H30-19H30 – Bureau SPH

22 mars

8H30 -10H – Atelier Droit et juridique

10H -17 H – Conseil SPH

Mai

2 mai

10H – 12H30 – CA SIP

14H30 -17H – Bureau SPH

 

30 mai

14H30-17H30 – Conseil scientifique SIP

17H30 -19H30 – Bureau SPH

31 mai

8H30 -10H – Atelier Droit et juridique

10h -17 H – Conseil SPH

Juin

27 juin

10H -12h30 – CA SIP

14H30 -17H – Bureau SPH

Septembre

5 septembre

10H -12h30 – CA SIP

14H30 -17H – Bureau SPH

AG SPH – Journées SIP – Bruxelles

du 28 septembre au 1er octobre 2016

Novembre

7 novembre

10H -13H – CA SIP

14H30 -17H – Bureau SPH

21 novembre

14H30 -17H – Conseil scientifique

17H30 -19H30 – Bureau SPH

22 novembre

8H30 -10H – Atelier Droit et juridique

10-17 H – Conseil SPH

Décembre

12 décembre

10H -12h30 CA SIP

14H30 -17H – Bureau SPH

 

 

 

 

Loi de santé – GHT et CPT

Des garanties sont demandées sur la place des communautés psychiatriques au sein des futurs GHT

Publié le 04/03/16 – 14h05 – HOSPIMEDIA

Alors que le décret sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT) est toujours soumis à concertation à ce jour, les acteurs de la psychiatrie publique* font savoir dans un communiqué du 2 mars que la définition des communautés psychiatriques de territoire (CPT), prévues par la loi, doit « être un préalable à toute réflexion sur les GHT en psychiatrie et santé mentale« . Les organisations cosignataires tiennent en effet à alerter le Gouvernement sur le projet de décret « qui ne peut que conduire à l’échec de la mise en œuvre de la loi » de Santé pour la discipline. Selon eux, « le caractère excessivement intégratif du projet soumis à la concertation, la forte prééminence du rôle confié à l’établissement support réduisant les prérogatives et les marges de manœuvre des établissements partenaires en les cantonnant à un rôle supplétif sont aux antipodes de la souplesse initialement annoncée« . Ces éléments « nourrissent dès lors de très grandes inquiétudes » au sein de la psychiatrie publique.

Les cosignataires regrettent également que la concertation porte en première intention sur l’article 107 de la loi concernant les GHT et demandent que le « rôle structurant » des CPT soit au préalable clairement acté dans le cadre de la territorialité de psychiatrie et santé mentale prévue dès l’article 69. « C’est pourquoi le décret en préparation devrait affirmer explicitement certains principes« , soulignent-ils. Ils demandent notamment que le territoire « pertinent » pour le GHT soit décliné en CPT « qui ont vocation à être généralisées« . De plus, en cas de GHT « polyvalent« , les établissements disposant d’activités de psychiatrie « mettent en place systématiquement » une (ou des) CPT avec « une (ou des) instance(s) de gouvernance représentative(s) et en identifiant clairement le budget consacré à la psychiatrie« . Et en cas de GHT dédié aux activités de psychiatrie, les établissements spécialisés y participant sont « systématiquement associés à l’élaboration du projet médical du GHT polyvalent du territoire« . Les cosignataires demandent également qu’un décret précise les conditions de dérogation à l’appartenance au GHT pour les établissements spécialisés et prévoie la participation systématique à une CPT ainsi que l’association au GHT de son territoire. Enfin, dans le cas de la mise en place de pôle inter-hospitalier concernant la psychiatrie, « et quelque soit le type de GHT, le rattachement du pôle n’est pas systématiquement confié à l’établissement support« .

 

Caroline Cordier

* Les cosignataires sont : le président de l’Association des établissements du service public de santé mentale (Adesm), Pascal Mariotti ; le président du Collège national des universitaires de psychiatrie (Cnup), Pierre Thomas ; la présidente du Comité d’études des formations infirmières et des pratiques en psychiatrie, Annick Perrin-Niquet ; le président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d’établissement (CME) de CH spécialisés (CHS), Christian Müller ; la présidente de la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy), Claude Finkelstein ; le président de l’Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp), Norbert Skurnik ; le président du Syndicat des psychiatres d’exercice public (Spep), Michel Triantafyllou ; le président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), Marc Bétremieux ; la présidente de l’Union nationale des familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam), Béatrice Borrel.

 

Les médecins du CHS de Montéran jugent « inutile » l’adhésion de leur hôpital à un GHT guadeloupéen

Publié le 16/03/16 – 11h58 – HOSPIMEDIA

En Guadeloupe, la commission médicale d’établissement (CME) du CHS de Montéran à Saint-Claude a adopté le 7 mars dernier une motion jugeant « inutile » l’adhésion de l’établissement psychiatrique à un groupement hospitalier de territoire (GHT). À l’instar des positions affichées nationalement par les représentants de la psychiatrie (lire ci-contre). Et de solliciter par conséquent une « dérogation » auprès de l’ARS.

Situé sur Basse-Terre, l’hôpital de Montéran se veut l’établissement de référence pour la psychiatrie en Guadeloupe. Pour ses médecins, il leur revient donc de mettre en œuvre le futur projet territorial de santé mentale (PTSM) pour l’ensemble du territoire guadeloupéen. Et cela dans le cadre d’une communauté psychiatrique de territoire (CPT) dont Montéran assurera la coordination. Cette CPT intègrera quatre axes de travail, résume la CME :

  • une approche spécialisée des soins psychiatriques de proximité (secteurs) ou de deuxième niveau dépendant du nouvel EPSM, géré par Montéran et résultant du transfert de l’activité de psychiatrie actuellement affecté au CHU de Pointe-à-Pitre, de l’intégralité de la dotation annuelle de financement correspondante et de tous les moyens définis comme nécessaires par le PTSM ;
  • les filières et missions de recours, les missions d’enseignement et de recherche en psychiatrie et les missions universitaires nécessitant une « association » avec le CHU ;
  • l’organisation des urgences psychiatriques, de la psychiatrie de liaison, de la prise en charge des populations spécifiques ou présentant des comorbidités et nécessitant là aussi une « association » avec les GHT du territoire Centre et du Sud-Basse-Terre. En sachant que le volet psychiatrie de leur projet médical partagé précisera les partenariats avec Montéran ;
  • les actions de santé mentale développées avec l’ensemble des acteurs de la santé mentale, associatifs, sociaux, médico-sociaux, politiques, etc.

Pour la CME, « cette approche globale d’une CPT coordonnée par le CHS de Montéran, l’EPSM de la Guadeloupe en relation avec la totalité des partenaires de la santé, garantit une approche globale porteuse de qualité des soins« .

Thomas Quéguiner

 

GHT et psychiatrie: les sept propositions de « bon sens » de l’Adesm

 

PARIS, 11 mars 2016 (APM) – L’Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm) fait, dans un document publié vendredi, sept propositions qu’elle qualifie de « bon sens » sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT) « pour les patients de la psychiatrie et de la santé mentale ».

 

Dans ce document de quatre pages, l’Adesm assure en préambule que le projet de décret sur les GHT actuellement en concertation (cf APM SAN9O29X98) n’est « manifestement pas le bon ».

De fait, de nombreux acteurs, dont ceux de la psychiatrie (cf APM VL7O3NVC2), s’inquiètent de son contenu et en attendent une version remaniée. Pascal Mariotti, le président de l’Adesm, a lui-même récemment été très critique vis-à-vis du texte (cf APM CDB2O2E05Q).

« L’adhésion des professionnels en 2016 passera nécessairement par la confiance placée en leur capacité d’initiative et de définir les solutions les plus adaptées à chaque situation locale et diagnostic territorial », assure l’association dans ce document.

« Le respect de l’identité de chaque établissement et la reconnaissance de ses compétences et responsabilités constituent aussi des conditions essentielles pour lever les inquiétudes et les interrogations de la psychiatrie, où qu’elle se pratique », encourage-t-elle aussi.

Sa première proposition vise à « revenir au sens initial de la stratégie nationale de santé (accessibilité, continuité, proximité), donc créer des GHT à taille humaine, réactifs et proches des patients, et non pas centrés sur les institutions ».

En d’autres termes, « il ne saurait y avoir d’efficacité du premiers recours ni de réalité des parcours de santé des patients sans proximité de l’hôpital avec son territoire et sans coopération avec l’ensemble de ses acteurs », prévient notamment l’Adesm, qui déplore une « tendance à la création de GHT de grande taille, amplifiée par l’irruption soudaine des CHU ».

Sa deuxième proposition consiste à « fonder les GHT sur une gouvernance et un management collaboratifs et associatifs respectant et valorisant les compétences et les expertises de chacun ».

 

ÉLUS ET USAGERS TROP NÉGLIGÉS

« Le bureau national de l’Adesm s’étonne que les enseignements de l’échec des CHT [communautés hospitalières de territoire] se soient limités à l’obligation d’adhérer à un GHT, sauf dérogation, et que le dispositif proposé s’égare dans une logique centralisatrice et intégrative au seul bénéfice supposé de l’établissement siège », est-il écrit.

L’association s’étonne aussi que le projet de décret « fasse si peu de cas des élus » et accorde « une si faible place aux usagers dans la gouvernance ».

 

Troisième proposition: « Autoriser des GHT spécialisés en psychiatrie chaque fois que les acteurs portent un projet médical ambitieux pour répondre au diagnostic territorial en santé mentale et aux besoins des patients et des familles ».

La quatrième proposition de l’Adesm est de « systématiser les communautés psychiatriques de territoire [CPT] pour fédérer au service du parcours de santé, du rétablissement et de l’autonomie du patient, tous les acteurs de la psychiatrie et du handicap psychique ».

Ainsi, « il apparaît impératif » notamment pour l’association de « systématiser » la création de CPT, « ouvertes aux Espic et aux établissements médico-sociaux ».

 

La cinquième proposition concerne les cas de GHT spécialisé ou de dérogation, et vise à « contractualiser » leur association « aux GHT généralistes pour le projet médical psychiatrie-MCO [médecine, chirurgie, obstétrique] et les activités de liaison, comme pour les fonctions de support non spécifiques à la psychiatrie ».

L’Adesm veut ici « éviter l’isolement de la psychiatrie à l’égard des autres disciplines médicales ».

 

L’avant-dernière proposition consiste à « confier explicitement », dans les GHT généralistes, « le pilotage et le management de la filière psychiatrie handicap à l’établissement spécialisé ou polyvalent qui possède cette compétence ».

 

En dernier lieu, l’association souhaite qu’au sein des GHT généralistes, soient déterminés « des règles et des outils pour garantir les budgets et les ressources de la psychiatrie au service des patients et des territoires ».

 

Marisol Touraine tente de rassurer les hospitaliers en installant le comité de suivi des GHT

Publié le 17/03/16 – HOSPIMEDIA

Interpellée ces derniers temps par les hospitaliers pour ramener un peu de sérénité dans la préfiguration des groupements hospitaliers de territoire (GHT), la ministre de la Santé a voulu se montrer à leur écoute ce 17 mars. Elle a installé le comité de suivi et de concertation qui doit répondre à leurs inquiétudes, d’ici le 1er juillet et au-delà.

Dix millions d’euros sont débloqués pour accompagner la mise en œuvre des GHT

Reprenant plusieurs des pistes de réflexion qui lui ont été délivrées la veille par la mission GHT, Marisol Touraine a notamment promis 10 M€ ce 17 mars aux hospitaliers pour les épauler dans l’élaboration des GHT. Selon elle et contrairement aux craintes affichées, cette réforme « historique » n’engendrera aucune « uniformisation » ou « subordination ».

10 millions d’euros. Tel est le montant débloqué par le ministère des Affaires sociales et de la Santé pour accompagner la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Et cela aussi bien au niveau national que régional et territorial, a annoncé la ministre Marisol Touraine ce 17 mars à l’occasion de l’installation du premier comité de suivi des GHT. Son discours intervient tout juste vingt-quatre heures après la remise officielle du rapport final de la mission de préfiguration de ces groupements conduite par Jacqueline Hubert, directrice générale du CHU de Grenoble, et le Dr Frédéric Martineau, président de la Conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME) de CH (lire ci-contre). Le comité de suivi, qui répond à une demande des hospitaliers, réunit la FHF, les conférences de directeurs et présidents de CME, les représentants syndicaux et ceux des usagers. « Il se réunira autant que nécessaire d’ici le 1er juillet et au-delà« , a précisé la ministre, pour un dispositif qui se veut autant un espace de suivi que de concertation. Au passage, il est à noter qu’il pourra s’ouvrir selon les sujets traités aux fédérations des secteurs privés, lucratif ou non. Quant aux crédits d’accompagnement, une chefferie de projet directement rattachée au DGOS y sera consacrée.

Des arbitrages d’ici fin mars sur le projet de décret

S’agissant des GHT en tant que tels, cette « ambition historique » pour reprendre les propos de Marisol Touraine, pas question que cette réforme engendre une quelconque « subordination » ou « uniformisation« . « Chaque GHT devra s’adapter aux réalités de son territoire« , a insisté la ministre, alors que le périmètre parfois « XXL » de certains groupements n’est pas sans inquiéter les hospitaliers. Et à l’entendre, « les quelques situations, certes emblématiques, ne doivent pas occulter le fait que, dans la majorité des cas, la définition des périmètres fait l’objet d’un très large accord des acteurs« . Quant à la concertation sur le projet de décret constitutif des GHT, dont la dernière mouture proposée début février a suscité une véritable levée de boucliers, Marisol Touraine a assuré qu’elle allait se poursuivre pour faire taire les divergences. « D’ici fin mars, des arbitrages seront rendus concernant ce texte« , a précisé l’intéressée. Objectif : trouver « un juste équilibre » entre ceux qui souhaitent éviter une surréglementation et les autres qui préfèrent que tout soit écrit.

Des évolutions statutaires, « le cas échéant« …

Sur le volet ressources humaines, il n’y aura « aucune remise en cause des droits statutaires » des praticiens, a assuré Marisol Touraine. Ainsi, aucune activité partagée au sein d’équipes de territoire ne pourra s’envisager sans un volontariat des médecins. Elle a également rappelé la mise en œuvre d’une prime d’exercice territorial et d’une amélioration de la valorisation des lignes de garde au sein des groupements. Plus globalement, l’accompagnement des ressources humaines fera l’objet d’un second texte en sus du décret GHT. Sans entrer dans le détail, la ministre a également laissé entendre qu' »une réflexion sur l’évolution des métiers devra être conduite et pourra se traduire, le cas échéant, par des évolutions statutaires« .

« Approche progressive » et « format resserré« 

D’ores et déjà, la ministre a soutenu qu' »on ne peut pas édicter une règle nationale qui rendrait compte de chacune des réalités locales« . Un message en ce sens doit être d’ailleurs délivré ce vendredi aux directeurs généraux d’ARS. La date butoir du 1er juillet demeure en revanche inflexible. Toutefois, « l’objectif à cette date n’est pas d’avoir un projet médical détaillé, finalisé mais d’avoir défini les orientations à partir desquelles travailler« , a ajouté Marisol Touraine, prônant « une approche progressive« . Elle a également promis que cette réforme territoriale ne s’inscrira pas dans une logique comptable dont l’objectif serait de faire des économies. Concernant la psychiatrie, là aussi c’est le pragmatisme qui prévaut, selon la ministre, avec : soit des GHT dédiés à la psychiatrie si cela correspond à une logique territoriale ; soit des hôpitaux psychiatriques membres d’un groupement généraliste. Côté instances, celles-ci devront avoir « si possible un format resserré » : a minima une simple « instance » territoriale réunissant les médecins, au plus une CME de groupement ; a minima un lieu de concertation ad hoc pour les usagers, au plus une vraie commission dédiée ; enfin un espace dialogue « obligatoire » avec les organisations syndicales.

Enfin, Marisol Touraine a repris en fin de discours l’idée de la boîte à outils proposée par la mission GHT, avec une diffusion prochaine. Mais aussi d’ateliers personnalisés mis en place par l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et d’un dispositif de formation national sur les sujets dis « métiers » (département d’information médicale, achats, systèmes d’information…).

Le projet médical partagé sera bien « le ciment du GHT »

Le projet médical partagé est le cœur du GHT. Qui le rédige ? Selon quelles modalités ? La publication du rapport rédigé par Jacqueline Hubert et Frédéric Martineau lève le voile sur ces questions. Il définit aussi plusieurs modalités de ressources humaines au sein du groupement et met en place un chef de pôle inter-établissements.

Il est présenté comme le « ciment » du groupement hospitalier de territoire (GHT). Le projet médical partagé est le sujet de la première orientation du rapport rendu public ce 16 mars. Il a vocation « à être la traduction de la stratégie de groupe pour organiser la gradation des soins hospitaliers sur le territoire« .

Projet médical : qui et comment ?

Le projet est le fruit d’une réflexion inter-établissement incluant : le personnel médical, sous la coordination des présidents de commission médicale d’établissement (CME) ; le personnel soignant sous la coordination des présidents de commission de soins infirmiers, de rééducation et médico-technique (CSIRMT) ; les directeurs d’établissements. Le rapport propose que les règles d’élaboration des projets médicaux partagés soient définies localement, dans le cadre du règlement intérieur de chaque GHT. Il y aurait par conséquent autant de modalités de travail que de GHT, pour coller au plus près aux réalités du territoire. Par la suite, l’articulation du projet partagé est organisée avec les projets médicaux de chaque établissement membre. Il s’agit dès lors d’un projet cadre qui trouve sa déclinaison dans les projets d’établissements. Le projet partagé est adopté suivant le même processus que les projets d’établissement. Par analogie encore, il est mis en place pour une durée de cinq ans avec « actualisation possible autant que nécessaire« . Il devra être défini, dans sa première version, en trois étapes, entre le printemps 2016 et janvier 2017.

Les décrets d’application, attendus en ce début 2016, devront définir les modalités de structuration et la teneur de ce projet. Jacqueline Hubert et Frédéric Martineau estiment qu’il doit être « le reflet d’une approche par filière plutôt que par activité« . Il doit de fait s’adapter au territoire. C’est pour cette raison que les auteurs recommandent d’éviter de définir un référentiel national de filière. Il appartient au GHT lui-même de définir ses propres filières. Place au cas par cas donc : « L’objectif est bien de couvrir l’ensemble de l’activité des établissements de santé, y compris la santé mentale, en ne raisonnant plus au structure ou unité de soins, mais plutôt patient et parcours de prise en charge« . Ce dispositif doit par conséquent, pour les auteurs, inclure pleinement le parcours du patient psychiatrique.

Après identification des filières, le projet médical partagé permet d’élaborer la feuille de route de chaque établissement ou site membre du GHT. Il s’agit de déterminer la responsabilité de chaque site, pour chaque niveau de prise en charge, de chaque filière. Cette conception impose un raisonnement du groupe, en envisageant le GHT dans sa globalité et non comme la somme de plusieurs établissements. Conformément à la loi de Santé, il est impératif que tous les projets médicaux contiennent un volet hospitalo-universitaire. Il convient donc d’intégrer les activités d’enseignement, de recherche et d’innovation, ainsi que de recours. Ce volet sera élaboré en lien direct avec le CHU associé au GHT. Autre volet indispensable : le volet qualité, qui inclut aussi la sécurité des soins. Il implique de définir l’articulation entre les différentes prises en charges, dans une logique de gradation. Cela suppose par ailleurs une homogénéité des pratiques professionnelles, la convergence des protocoles de prises en charge et bonnes pratiques.

Le chef de pôle inter-établissements

Le pôle inter-établissement est présenté comme l’outil privilégié de mise en commun des activités au sein du GHT (proposition n°5). Par conséquent, son cadre juridique doit être créé. Il est, dans ce rapport, défini par transposition des pôles internes à un établissement. Le chef de pôle inter-établissement est ainsi nommé par le directeur de l’établissement support, sur proposition du leader médical du GHT. Il est membre de droit de chacune des CME d’établissements et, le cas échéant, de la CME de groupement. Les auteurs recommandent de confier au chef de pôle inter-établissement les mêmes moyens qu’au chef de pôle. Il bénéficie donc de l’autorité fonctionnelle sur les professionnels du pôle quelque soit l’établissement employeur de ces professionnels. Il doit aussi pouvoir bénéficier de collaborateurs, d’une délégation de gestion et de l’affectation de moyens du pôle. Ces modalités sont définies dans le contrat de pôle signé avec le directeur de l’établissement support et le leader médical du GHT. C’est également ce contrat qui dessine les grandes lignes des contrats de pôles que le chef élabore pour chaque structure interne.

PUI, biologie et imagerie

Déjà préconisé dans le rapport intermédiaire et entériné par la loi de Santé, le document confirme la volonté d’intégrer dans les GHT les activités médico-techniques. C’est l’orientation n°4. Il s’agit notamment du régime des pharmacies à usage intérieur (PUI), ayant vocation à être réformé par voie d’ordonnance. Le rapport préconise ainsi de désigner une PUI de territoire sans recours à une tierce personne morale pour sa mise en place. L’objectif est de faciliter la mutualisation des fonctions d’approvisionnement notamment. Autres activités mutualisées : la biologie, avec la mise en place d’un laboratoire commun selon les mêmes modalités que la pharmacie, et les activités d’imagerie. Pour ces dernières, le rapport explique que les améliorations attendues sont double. Le but est tout d’abord de permettre une mise en commun des équipements et plateaux techniques, en cohérence avec l’objectif d’égalité d’accès aux soins. Mais l’objectif est aussi de mutualiser l’expertise médicale, grâce à l’interprétation à distance et à la télémédecine. Au programme donc mutualisation des équipements et partage des ressources.

La mission GHT affine ses préconisations sur les SI, les Dim et les achats

Le système d’information convergent, les Dim de territoire et les achats confiés à un seul responsable sont de nature à modifier de manière conséquente l’offre de soins publique. La mission GHT donne donc des préconisations pour les textes d’application. Des orientations qui précisent les missions et les rôles.

Certaines thématiques que sont le département d’information médicale (Dim) territoriale ou encore les systèmes d’information (SI) convergents « sont de nature à modifier grandement l’organisation de l’offre de soins publique sur les territoires« , indiquent Jacqueline Hubert, directrice générale du CHU de Grenoble, et Frédéric Martineau, président de la Conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME) de CH. Dans les orientations n° 6 et 7 de leur rapport final de mission sur les GHT, ils donnent donc des préconisations sur ces sujets pour les textes d’application, ainsi que sur les achats (orientation n°9).

Pas de big bang pour les SI

La mise en place d’un SI convergent a été le point le plus soulevé par les professionnels hospitaliers, inquiets de l’impact d’une telle disposition sur les finances et la mobilisation des professionnels médicaux et soignants, notent Jacqueline Hubert et Frédéric Martineau. Mais, comme ils le rappellent, la sémantique retenue dans la loi de Santé indique qu’il s’agit d’organiser la convergence « et non d’opérer une opération big bang des SI« . En d’autres termes, il ne sera maintenant plus possible de procéder à des choix divergents lors des opérations de renouvellement des briques applicatives de chaque établissement. Pas de « plan Marshall de refonte des SI hospitaliers » donc, précisent-ils mais la cible à terme est de disposer de logiciels identiques en profitant des réinvestissements pour faire des choix « cohérents et convergents vers des logiciels identiques« . L’objectif, rappellent les deux auteurs, n’est pas seulement l’échange et le partage de données mais l’uniformisation des outils de travail des professionnels médicaux appelés à exercer sur plusieurs sites. En ce sens, un calendrier progressif de convergence doit être organisé, passant par un schéma directeur à finaliser dans les deux ans — soit avant le 1er janvier 2018 — et visant une convergence effective d’ici janvier 2021. Les GHT doivent aussi prévoir un identifiant patient unique, le chaînage des données relatives à un même patient étant une condition sine qua non pour l’organisation de réels parcours de prise en charge dans les GHT. Par ailleurs, pour la mission, la première étape de la convergence des SI consiste en l’organisation de la « direction des SI unique« .

Autorité fonctionnelle pour le médecin responsable du Dim

Sur le sujet du Dim de territoire, celui-ci se substitue aux Dim existants dans les établissements du groupement. En ce sens, et conformément à la loi de Santé, c’est bien le médecin responsable du Dim qui reçoit les données médicales nominatives produites par chaque praticien. Nommé par le directeur de l’établissement support, sur proposition du leader de la communauté médicale, il agit pour le compte de tous les établissements et doit donc être représenté au sein de chacune des CME, dans la CME du GHT si elle existe et participer au comité stratégique du groupement (lire ci-contre). Le médecin responsable du département est alors en charge de son organisation et dispose à ce titre d’une autorité fonctionnelle, indiquent les deux auteurs. Concrètement, il organise la production homogène des données médicales, « en lien étroit avec la chaîne de facturation » ; réalise l’analyse médicale de l’activité du groupement pour participer à celle du GHT et évaluer les pratiques ; participe à la mise en œuvre de la politique de confidentialité et de sécurité et à la gestion des archives médicales ; il contribue à la valorisation des données dans une optique de mobilisation big data au service des travaux de recherche. Pour les auteurs, l’organisation en pôle inter-établissement semble la plus adaptée pour faciliter la mise en place du Dim de territoire.

Budget annexe

Que ce soit pour le Dim, le SI ou les achats, il convient que ces activités ou leurs charges soient imputées sur un budget annexe de l’établissement support. Les produits correspondraient alors à une participation de chaque établissement « conformément à une clé de répartition définie nationalement« .
Enfin, en ce qui concerne la fonction achat, confiée à un seul responsable, le rapport de mission préconise d’englober l’intégralité de la chaîne, tant en matière de missions qu’en matière de segments d’achat. Pour autant, cela ne signifie pas que même si le GHT définit sa stratégie achat, il en exécute nécessairement tous les marchés. Les opérateurs nationaux et régionaux restent à ce titre compétents en la matière. La mise en place doit, au même titre que les SI convergents, se faire de manière progressive. La première étape : structurer une seule direction des achats et approvisionnements et élaborer un plan d’actions achat. Et ceci d’ici janvier 2017. À partir de cette date, « la convergence des marchés et la mutualisation des activités d’approvisionnement pourra être initiée« . Sur la mise en œuvre des marchés, l’option « la plus efficiente » consiste à privilégier plutôt « la formule du groupement de commande« . En ce sens, les auteurs proposent que le GHT soit systématiquement « érigé en groupement de commande« .

 

Le plaidoyer surprise en faveur de la télémédecine et d’un modèle de financement

La mission GHT consacre, et ceci de manière un peu inattendue, l’une des parties de son rapport à la télémédecine, plus précisément à son modèle de financement. En effet, la pratique se développe sur le terrain mais reste réalisée « gratuitement ». Sont proposées l’introduction d’un forfait annuel et l’application des prototypes tarifaires.

Difficile pour la mission GHT de passer à côté de la télémédecine. Un sujet longtemps évoqué par les acteurs concernés comme pertinent pour la coopération, la lutte contre les déserts médicaux ou encore le parcours des patients (lire ci-contre), soit presque l’essentiel des objectifs des futurs GHT. Les deux auteurs, Jacqueline Hubert et Frédéric Martineau, indiquent ainsi qu' »il n’y a pas eu un seul déplacement en région sans que nous ayons été interpellés sur les enjeux de la télémédecine« . Ils ont donc décidé de « profiter de ce rapport » pour les évoquer et notamment ceux liés à la rémunération. Car actuellement, hormis l’expérimentation menée dans neuf régions dans le cadre de l’article 36 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) 2013 (lire ci-contre), « aucune rémunération n’est aujourd’hui possible pour les activités de télémédecine, alors même qu’elles se substituent à des consultations physiques« . D’où les trois propositions de la mission GHT.

Utiliser les tarifs NGAP

Dès 2009, le législateur a placé la téléconsultation au même rang que la consultation dans le Code de la sécurité sociale. Pour autant, notent les auteurs, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam) « n’a pas entrepris d’adaptation des nomenclatures fixant les tarifs des actes« . Ainsi, le tarif de la consultation reste réservé au cas où le patient et le médecin se trouvent dans un même lieu. Dans l’attente de la mise en conformité de la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP), « il paraît raisonnable de considérer que les tarifs en vigueur s’appliquent quand bien même la consultation n’est pas donnée au cabinet« . Sont visées notamment : la consultation (23 €), la consultation spécialisée (23 €), la consultation de cardiologie (45,73 €), la consultation de neuropsychiatrie ou psychiatrie (37 €) et la consultation de dépistage du mélanome (46 €). Les lettres clés existantes pourraient donc être utilisées pour valoriser les actes de téléconsultations par les établissements « après récupération des données administratives du patient qui seront partagées dans le cadre du GHT« . Ces tarifs permettront de rémunérer l’établissement requérant. Cependant, celui-ci mobilise des moyens dans le cadre de cette pratique, soit « autant de coûts d’opportunité que les hôpitaux ont aujourd’hui intérêt à éviter« .

Créer un forfait annuel…

Pour remédier à cette problématique, le rapport final de la mission GHT propose de créer un forfait annuel dès l’exercice 2017. « Rapide« , « simple à mettre en œuvre et de nature à répondre aux objectifs d’efficience organisationnelle qu’induit l’activité de téléconsultations« . Concrètement, l’établissement requérant doit être incité « à optimiser son circuit patient afin de ne pas majorer le temps de consultation du professionnel requis« . La mesure de l’efficience organisationnelle pourrait passer par le recueil d’indicateurs simples sur le même modèle que ceux retenus pour la rémunération sur objectif de santé publique des professionnels de santé. Soit des indicateurs techniques (personnes présentes, stockage de données…), d’activité (nombre de téléconsultations) ou organisationnels (locaux spécifiques, tableau de service…). Chaque indicateur serait pondéré d’un coefficient et il resterait à déterminer la valeur du point. La mission propose que cette valeur soit fixée pour que le montant maximum que puisse percevoir un établissement corresponde au coût d’un équivalent temps plein (ETP) d’aide-soignant et au coût d’entretien d’un box, soit 50 000 € environ.

… et une prestation d’hospitalisation sans hospitalisation

L’article 36 de la LFSS 2013 a introduit les expérimentations de facturation des activités de télémédecine. Des prototypes tarifaires ont ainsi été fixés par le ministère des Affaires sociales et de la Santé et par le ministère du Budget notamment pour l’expérimentation sur la prise en charge des plaies chroniques et complexes. Médecins et infirmiers y sont alors rémunérés à l’acte. Le tarif de cette téléexpertise a été dans ce cadre fixé à 14 €. Pour autant, il n’est applicable qu’aux expertises rendues entre deux établissements de santé « dès lors que le champ des expérimentations se limite aux patients pris en charge en ville ou en structures médico-sociales« . Les deux auteurs du rapport préconisent donc d’appliquer le même tarif de référence pour la réalisation des téléexpertises entre deux établissements appartenant au même GHT. Et ceci dans un souci de cohérence avec les travaux nationaux actuellement menés. Ils proposent donc « de créer une prestation d’hospitalisation sans hospitalisation« . Un vecteur considéré comme le plus simple à mettre en place pour démarrer sans plus tarder et que le dispositif soit effectif de l’exercice 2017.

 

La mission Hubert-Martineau fournit à Marisol Touraine ses dernières clés pour constituer les GHT

Publié le 16/03/16 – 17h59 – HOSPIMEDIA

 

La ministre de la Santé installera ce jeudi le comité de suivi des groupements hospitaliers de territoire. Ses membres établiront certainement leurs travaux sur les conclusions de la mission GHT, dont le rapport final a été rendu public ce mercredi. Gouvernance, formation, dialogue social, mécanismes budgétaires et boîte à outils y sont compilés.

À la veille d’installer le comité de suivi des groupements hospitaliers de territoire (GHT), la ministre des Affaires sociales et de la Santé a reçu ce 16 mars en fin d’après-midi le rapport final de la mission de préfiguration. Celle-ci a été conduite durant quinze mois par Jacqueline Hubert, directrice générale du CHU de Grenoble, et le Dr Frédéric Martineau, président de la Conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME) de CH. En métropole, seules deux ARS ont refusé d’organiser des rencontres entre la mission et les responsables hospitaliers : l’Auvergne-Rhône-Alpes d’une part, le Nord-Pas-de-Calais-Picardie d’autre part. Ces deux régions mises à part, la dynamique est donc « largement engagée« , se réjouissent les deux auteurs. Il ressort de leurs travaux dix-sept orientations qui viennent compléter le rapport d’étape dévoilé au printemps 2015 en plein débat parlementaire sur le projet de loi de modernisation de notre système de santé (lire ci-contre). Comme le résument les deux auteurs en préambule, pas question d’aboutir à un modèle unique de GHT. Il faut au contraire « laisser la plus grande souplesse aux acteurs« , ce qui passe entre autres par « un droit à l’expérimentation dans les modèles retenus » ainsi que par « des organisations innovantes en matière de partage des responsabilités« .

Un « leader médical » au côté du directeur territorial

Parmi leurs orientations, Jacqueline Hubert et Frédéric Martineau invitent à mettre en place « une gouvernance inspirée de celle des hôpitaux« . Mais au côté du directeur de l’établissement support du GHT, il convient, ajoutent-ils, d’y accoler « un leader médical« . En somme, reconstituer à l’échelle du GHT le binôme directeur-président de CME d’ores et déjà existant en établissement. Outre le pilotage médical du groupement, ce médecin aurait à charge de proposer des noms pour la désignation des chefs de pôles inter-établissements et des structures internes concernées. Et pour veiller à sa légitimité, il devra être élu parmi les présidents de CME des hôpitaux membres ou par la CME du groupement, s’il en existe une. En outre, l’idée serait de calquer le fonctionnement du comité stratégique du GHT sur celui du directoire des hôpitaux. Dirigé par le directeur de l’établissement support, celui-ci pourrait associer les hôpitaux partenaires et associés au groupement, fonctionnerait par concertation et serait majoritairement composé de médecins. Enfin, le praticien responsable du département d’information médicale (Dim) de territoire se devra d’y être systématiquement invité. Pour la mission, il s’agit de tirer les enseignements des écueils de la loi HPST quant à la composition du directoire.

Plan de formation et dialogue social nationalisés

Côté ressources humaines, la mission GHT propose de déployer dès le début 2017 « un plan de formation national« . Et dans l’immédiat, l’École des hautes études en santé publique (EHESP) est incitée à organiser les formations et séminaires proposés en phase d’élaboration des GHT. Des orientations nationales sont également préconisées pour inciter chaque groupement à mettre en place un dialogue social dès la phase préfiguratrice. « À savoir dans les tous prochains mois« , glissent les deux auteurs. Objectif : éviter ainsi de déresponsabiliser le directeur de l’établissement support. Enfin, concernant les directeurs à proprement parler, « il ne fait pas de doute qu’une réforme du régime indemnitaire de la prime de fonctions et de résultats (PFR) ainsi que la mise en place d’un dispositif d’accompagnement des parcours individuels, par le Centre national de gestion (CNG), doivent être mis en place« . Et cela avec une prise d’effet avant 2017.

Éviter les produits T2A dans le budget annexe

Par ailleurs, la solidarité budgétaire et de trésorerie du GHT est « l’une des conditions de réussite pour instaurer une stratégie de groupe« , martèlent les deux auteurs. Cela passe par la mise en place d’un budget annexe dans la comptabilité de l’établissement support, « plus fiable qu’une simple comptabilité analytique externe« . Côté dépenses y sont comptabilisées l’ensemble des charges d’exploitations (personnel, achats…) correspondant au périmètre des fonctions mutualisées. Côté recettes, l’ensemble des produits versés par les établissements membres du GHT. « La contribution de chacun serait calculée au moyen d’une clé non négociée, définie par voie règlementaire, précise la mission. Cette clé serait composée de quatre indicateurs (à coefficient équivalent) : les produits d’exploitation, le poids du bilan, les effectifs et le nombre de séjours et/ou le nombre de journées. Le principe est celui d’un budget équilibré totalement reventilé entre les établissements du GHT. » À noter que pour les fonctions gérées en commun que sont l’imagerie et la biologie, il est préconisé de faire supporter à chaque établissement les charges et produits qu’il génère. Enfin, « il est préférable, dans un premier temps et par simplification, que le budget annexe ne bénéficie pas directement de produits d’activité T2A, ses seules ressources étant les contributions de ses membres en fonction de la clé de répartition retenue« .
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Une solidarité financière sous la forme d’un cash pooling

Outre le budget annexe, Jacqueline Hubert et Frédéric Martineau demandent que le comité stratégique du groupement se prononce sur l’état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) et le plan global de financement pluriannuel (PGFP) de chaque établissement « en amont » de leur transmission à l’ARS. Il s’en suit une transmission conjointe à la tutelle régionale. Quant à la solidarité de trésorerie, qui a été censurée par le Conseil constitutionnel dans la dernière loi de modernisation de notre système de santé, un nouveau dispositif pourrait être porté via le prochain projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. « Dans le schéma envisagé, tous les établissements conserveraient un compte au Trésor, détaille la mission. La solidarité financière pourrait se traduire par un mécanisme de solidarité de trésorerie, à l’instar des méthodes de cash pooling mises en place dans les groupes privés. Le scénario étudié en lien avec les services de la DGFIP consisterait à organiser des mouvements hebdomadaires entre les comptes 515 de chaque établissement partie et l’établissement support. » Le rapport recommande également vivement de professionnaliser la fonction de gestion de la dette et de la trésorerie. Enfin, les pouvoirs publics sont fortement incités à accompagner financièrement les établissements pour soutenir les coûts d’amorçage des GHT. Non pas pour financer des dépenses d’investissement mais plutôt pour supporter les surcoûts de démarrage. C’est par exemple le cas d’une assistance à maîtrise d’ouvrage pour élaborer le projet médical partagé ou le schéma directeur des systèmes d’information. De même s’agissant de la constitution d’une chefferie de projet.
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Une boîte à outils sans valeur normative

La fin de la mission GHT passe par la mise à disposition d’une boîte à outils « sans valeur normative » et que « chacun reste libre d’utiliser« . Celle-ci comprend :

  • théoriquement depuis le 1ermars dernier un guide sur la mise en place de la convergence des systèmes d’information ; une fiche repère sur la mise en place progressive d’une certification par la Haute Autorité de santé (HAS) conjointe et d’un compte qualité unique ; un modèle de convention constitutive ; une fiche repère sur le processus de consultation des instances ;
  • avant le 1ermai prochain un modèle de règlement intérieur ; un outil d’accès à des données territoriales d’activité ; un outil de recensement des coopérations existantes ; une fiche repère sur le régime juridique applicable aux professionnels concernés par les fonctions mutualisées ; des recommandations sur la gouvernance ;
  • avant le 1erjuin des modèles de convention d’association ou de partenariat entre chaque GHT et des établissements tiers ;
  • avant le 1erjuillet un guide sur la mise en place de pôles inter-établissements ; un guide sur les achats ; une fiche repère sur l’organisation des activités de recherche et un modèle de convention d’association avec chaque CHU ;
  • avant 2017 des recommandations sur la coordination des plans de formation et de développement personnel continu ; des recommandations sur la coordination des écoles et instituts de formation ; des livrables relatifs à la mutualisation de trésorerie.

 

L’Adesm soutient la création de GHT à taille humaine à travers une série de propositions

Publié le 14/03/16 – HOSPIMEDIA

 

En réaction au projet de décret sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT) qui instaurerait un modèle « voué à l’échec », l’Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm) publie sept propositions de « bon sens ». Par ailleurs, le Collectif des 39 appelle à se mobiliser en bloc contre ces futurs GHT.

 

Le bureau national de l’Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm) a jugé que le projet de décret sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT), actuellement en concertation, n’est « manifestement pas le bon« , indique l’association. Dans un communiqué du 11 mars, elle explique « rejoindre l’opinion générale des fédérations et conférences selon laquelle un modèle pyramidal, intégratif et hiérarchique sera voué à l’échec car manifestement inapproprié à la mobilisation des équipes des établissements autour de projets médicaux et de parcours de soins fédérateurs« . Elle formule sept propositions, qualifiées de « bons sens« , pour pallier les insuffisances de la réforme sur les GHT et améliorer la prise en charge des patients en psychiatrie et santé mentale.

Créer des GHT « à taille humaine« 

En premier lieu, l’Adesm propose de revenir « au sens initial » de la loi de Santé qui est censée promouvoir l’accessibilité, la continuité et la proximité des soins, en créant des GHT « à taille humaine« , réactifs et proches des patients. Elle estime que la tendance à la création de GHT « de grande taille, amplifiée par l’irruption soudaine des CHU, contredit carrément l’objectif d’adapter » le système de santé au développement des maladies chroniques (dont celles relevant de la psychiatrie). Il ne saurait y avoir d’efficacité du premier recours ni de réalité des parcours sans proximité de l’hôpital avec son territoire, souligne-t-elle. La psychiatrie est « d’autant plus sensible au risque de régression qu’elle est présente en premier recours sur tous les territoires« . L’Adesm ajoute que ce serait un « leurre d’imaginer améliorer l’efficience des établissements par la seule massification alors que les organisations qui performent sont désormais les plus agiles et adaptables« . Dans un deuxième temps, l’association s’étonne que les enseignements de l’échec des communautés hospitalières de territoire (CHT) se soient « limités à l’obligation d’adhérer à un GHT, sauf dérogation« . Elle regrette donc l’absence de réelle analyse des facteurs culturels et managériaux qui ont freiné le développement des CHT. Par ailleurs, elle s’étonne que le projet de décret fasse « si peu de cas des élus et une si faible place aux usagers dans la gouvernance » des futurs GHT. Sa troisième proposition est d’autoriser des GHT spécialisés en psychiatrie chaque fois que les acteurs portent un « projet médical ambitieux pour répondre au diagnostic territorial » et aux besoins des patients et de leurs proches. Selon elle, ces groupements spécialisés pourraient également paraître plus attractifs pour les partenaires des secteurs médico-social et social, en tous cas « certainement plus que des GHT généralistes démesurés« . Il faut donc « éviter la tentation d’un modèle unique imposé partout, d’autant qu’un petit nombre de GHT spécialisés ne viendra aucunement affaiblir la mise en œuvre des GHT généralistes« . En cohérence, il faudrait aussi systématiser les communautés psychiatriques de territoire (CPT) prévues par la loi de Santé, estime l’Adesm dans sa quatrième proposition. Ces CPT seraient ouvertes aux établissements de santé publics d’intérêt collectif (Espic) et au médico-social. L’association annonce par ailleurs qu’elle consacrera son séminaire annuel à la modélisation des CPT.

Une contractualisation pour le projet psychiatrie-MCO

En cas de GHT spécialisé ou de dérogation, il convient de contractualiser l’association aux GHT généralistes pour le projet psychiatrie-MCO et les activités de liaison, comme pour les fonctions support non spécifiques à la psychiatrie (cinquième proposition). Le bureau de l’Adesm se déclare « soucieux d’éviter l’isolement de la psychiatrie à l’égard des autres disciplines médicales« . D’une part, il faudra « consolider les collaborations […] [pour les] urgences, addictions, périnatalité, pédiatrie, personnes âgées, neurosciences, recherche« , etc. D’autre part, il conviendra de développer la liaison psychiatrique vers les soins somatiques « là où elle fait encore défaut, et bien plus la liaison somatique vers la psychiatrie, y compris ambulatoire, car les carences restent manifestes« . La sixième proposition consiste à confier explicitement, dans les GHT généralistes, le pilotage et le management de la filière « psychiatrie et handicap psychique » à l’établissement spécialisé ou polyvalent « qui possède cette compétence« . Le bureau national estime sur ce point que les dispositions prévues dans le projet de décret pour les pôles inter-établissements sont « restrictives et inadaptées« . Il ne faut pas confier au seul établissement siège la responsabilité de pôles de territoire sans que celui-ci en « possède parfois même la compétence ou qu’il n’exerce celle-ci à titre principal parmi les coopérateurs« . Enfin, l’Adesm propose de déterminer, au sein des GHT généralistes, des règles et des outils pour garantir les budgets et les ressources de la psychiatrie, que ce soit en postes médicaux et soignants ou en moyens financiers indispensables pour moderniser l’offre de soins. Elle pointe que les acteurs de psychiatrie sont « instruits par l’expérience interne à nombre d’établissements généralistes ou par les politiques de certaines ARS » et deux décennies de « financement malthusien » qui a bridé la progression — pourtant nécessaire — de ses ressources.

 

GHT: les hôpitaux psychiatriques « pilotes des actions du projet médical partagé » qui les concernent (FHF et conférences)

Lundi 14 mars 2016 – 18:45

 

PARIS, 14 mars 2016 (APM) – La Fédérations hospitalière de France (FHF) et les six conférences hospitalières estiment, dans un document commun diffusé lundi, que, dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire (GHT), les établissements psychiatriques doivent être les « pilotes des actions du projet médical partagé correspondant à leur spécialisation » dans le cas d’un GHT polyvalent.

Ce document, signé du président de la FHF, Frédéric Valletoux, et des présidents des six conférences de directeurs et de présidents de commissions médicales d’établissement (CME), s’intitule « Orientations de principe proposées par la FHF et les conférences pour la mise en œuvre des groupements hospitaliers de territoire » (cf APM CLT7O41EV4).

« La version du décret soumise à concertation [cf APM SAN9O29X98] comporte […] des dispositions très précises et détaillées concernant le mode de gouvernance des groupements hospitaliers de territoire, ne permettant pas à chaque groupement de choisir sa gouvernance en fonction de son projet médical, de l’état d’avancement des coopérations entre les établissements, et des caractéristiques géographiques », estiment notamment les signataires.

Or « l’approche des GHT par les filières doit conduire à prévoir, dans le respect de la loi, la possibilité pour les équipes médicales et soignantes des établissements parties au GHT d’être pilotes de la filière du projet médical partagé correspondant à leur spécialisation », assurent-ils, soulignant que « ces modalités s’appliquent tout particulièrement aux équipes spécialisées en psychiatrie ainsi que dans le domaine médicosocial ».

Ils demandent même, dans ce cadre, « que soit mise en oeuvre, le cas échéant, une forme de gouvernance adaptée et que soit identifié clairement le budget qui y est consacré ».

Suivant une logique identique, « les établissements sociaux et médicosociaux doivent pouvoir disposer de la même possibilité pour leur domaine de compétence, que ce soit sur le volet du handicap, des personnes âgées ou de l’insertion », souhaitent-ils.

La FHF et les conférences relatent que « les premiers retours du terrain montrent que les établissements psychiatriques s’orientent vers des choix pragmatiques, correspondant aux réalités locales, soit sous forme de GHT dédiés à la discipline, soit sous forme de GHT polyvalents, soit enfin dans le cadre de demande de dérogation ».

Elles insistent d’ailleurs, alors que nombre d’établissements spécialisés se sont prononcés pour des GHT psychiatriques, sur le fait que la dérogation « ne pourra concerner que les établissements spécialisés s’engageant de manière systématique tant à la mise en place de communautés psychiatriques de territoires que dans la mise en œuvre de conventions d’association avec le GHT le plus proche, et le cas échéant avec le CHU concerné ».

« Cette volonté de partenariat et d’association destinée à assurer une véritable plus-value à la psychiatrie sectorisée se retrouvera également dans les préconisations qui seront notamment formulées dans les prochaines semaines sur la nécessaire articulation avec les communautés psychiatriques de territoire » (CPT), annoncent-elles aussi.

Vendredi, l’Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm) a appelé, elle aussi, à prendre en compte les CPT dans le dispositif des GHT (cf APM VL9O3VVOV).

Dans leur document, la FHF et les six conférences hospitalières préviennent que « ces ajustements favoriseront une appropriation de la réforme par les professionnels de terrain, qui ont besoin d’un cadre juridique souple et sécurisant » et demandent par ailleurs « un accompagnement spécifique des professionnels ».

La ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, doit installera jeudi un comité de suivi des GHT, rappelle-t-on (cf APM CLT9O410LE).

Note commune FHF Conférences GHT

La FHF et les conférences proposent trois grandes orientations de principe pour la mise en œuvre des GHT

 

PARIS, 14 mars 2016 (APM) – La Fédération hospitalière de France (FHF) et les six conférences de directeurs et de présidents de commission médicale d’établissement (CME) ont adopté une position commune proposant des orientations de principe pour la mise en œuvre des groupements hospitaliers de territoire (GHT), dans un document dont l’APM a eu copie.

Elles proposent d’abord de sécuriser les conditions préalables à la création des GHT. « Il est nécessaire de fixer dans les meilleurs délais les périmètres des GHT », soulignent-elles.

« Les propositions connues à ce stade, s’inscrivent principalement dans deux grands types de configurations: des GHT ‘métropolitains’, qui peuvent être de grande taille, généralement articulées autour d’un CHU support » et « des GHT ‘territoriaux’, de taille plus réduite, auxquels le CHU pourra être associé par convention », constatent-elles.

Si cette diversité est « la traduction des réalités régionales », « néanmoins, dès que la réglementation sera stabilisée, les établissements doivent pouvoir décider d’un positionnement différent s’ils parviennent à s’accorder sur un projet médical cohérent et sur une organisation réaliste »

Concernant la psychiatrie et la santé mentale, il est nécessaire que cette carte des territoires de psychiatrie et de santé mentale soit prise en compte dans les projets de GHT, indique la note (cf APM VL8O41FVS).

La FHF et les conférences réclament également la construction d’un « cadre normatif suffisamment souple pour que les acteurs puissent se l’approprier en fonction des contextes territoriaux ». Autrement dit, elles demandent plus de souplesse dans l’élaboration du projet médical partagé, la constitution des équipes territoriales et dans le mode de gouvernance.

S’agissant de la convergence des systèmes d’information, « il semble plus opportun de prévoir que les modalités de convergence des systèmes d’information sont définies dans un schéma directeur propre à chaque groupement », est-il écrit.

Concernant les missions et les responsabilités qui sont confiées aux CHU, la mise en œuvre de la réforme devra « préciser le rôle des CHU dans le dispositif, notamment pour les GHT auxquels ils seront associés » et un « travail spécifique devra être engagé sur la prise en compte, dans le modèle de financement, de cet engagement dans les territoires notamment s’agissant de la question de l’attractivité médicale ».

 

NE PAS TOUT CONCENTRER SUR L’ETABLISSEMENT SUPPORT

Il est par ailleurs demandé, dans la note commune, un « assouplissement selon les réalités du terrain » au sujet de la « concentration obligatoire sur l’établissement support des compétences assurées au nom du groupement ».

« L’approche des GHT par les filières doit conduire à prévoir, dans le respect de la loi, la possibilité pour les équipes médicales et soignantes des établissements parties au GHT d’être pilotes de la filière du projet médical partagé correspondant à leur spécialisation », écrivent la FHF et les conférences qui précisent que ces modalités « s’appliquent tout particulièrement aux équipes spécialisées en psychiatrie ainsi que dans le domaine médico-social ».

La FHF et les six conférences hospitalières défendent également la création d’un accompagnement de la réforme par « des actions volontaristes d’appui à la conduite du changement ». Le dispositif d’accompagnement pourrait s’articuler autour de trois outils :

  1. Un comité de suivi national de la réforme. Ce comité, placé auprès de la ministre, doit « pouvoir intégrer la FHF et les conférences ainsi que les autres représentants de la communauté hospitalière ». La ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, installera jeudi un comité de suivi des GHT, rappelle-t-on (cf APM

CLT9O410LE).

  1. Cette instance d’impulsion et de suivi pourra s’appuyer sur une mission nationale d’appui, pilotée conjointement par le ministère et les acteurs hospitaliers, chargée du suivi de l’état d’avancement des projets, en lien avec les agences régionales de santé (ARS) et les comités stratégiques des groupements (cf APM SAN2O3PZHH).
  2. Un financement national d’accompagnement exceptionnel destiné à faciliter l’engagement des établissements dans la démarche en mettant en oeuvre un dispositif d’accompagnement au plus près du terrain porté par la FHF et ses fédérations régionales. Ce financement pourrait prendre la forme d’une délégation de crédits par le ministère des affaires sociales et de la santé, ainsi que par une mobilisation des fonds d’intervention régionaux.

Enfin, la note précise que « la mise en oeuvre des GHT doit en outre prévoir un volet relatif à la gestion des ressources humaines » (cf APM CLT8O17BKV). Un groupe de travail animé par la FHF se réunit, d’ores et déjà, pour identifier les impacts des GHT sur les personnels médicaux et non médicaux et définir les principes à respecter en termes de politique de ressources humaines dans le déploiement des GHT, est-il expliqué.

Note commune FHF Conférences GHT

Projet de décret GHT – Remarques de la Confédération des Praticiens des Hôpitaux

« R. 6132-2. – Le règlement intérieur est élaboré et adopté par le comité stratégique. Ce règlement intérieur précise les règles de fonctionnement du groupement hospitalier de territoire pour mettre en œuvre les orientations stratégiques définies par ladite convention.

Remarque CPH : Le règlement intérieur des établissements publics de santé doit être soumis pour avis à la CME et au CTE. Il doit en être de même pour le règlement intérieur des GHT au niveau des instances communes ou des établissements parties.

 

« R. 6132-3. Le projet médical partagé précise la stratégie médicale du groupement hospitalier de territoire par filières. Sa rédaction implique les professionnels médicaux et soignants des spécialités concernées pour chaque filière visée par le projet médical partagé

Remarque CPH : Le terme « filière » n’a pas de définition claire. A quoi correspond-il ? Il serait plus pertinent de retenir celui d’ « équipe médicale de territoire » qui figure dans la LMSS, ou plus simplement les « équipes médicales et pharmaceutiques des établissements parties ».

 

III. Le règlement intérieur fixe les modalités selon lesquelles tous les établissements publics de santé concernés élaborent le projet médical partagé, et en particulier les modalités d’association des personnels médicaux et soignants.

Remarque CPH : Raison de plus pour que ce règlement intérieur soit soumis aux instances habituelles (CME et CTE).

 

« R. 6132-8. I – Le responsable de la stratégie médicale du groupement hospitalier de territoire est un médecin exerçant dans l’un des établissements parties au groupement.

Lorsqu’une commission médicale de groupement hospitalier de territoire est mise en place, le président de la commission médicale de groupement est le responsable de la stratégie médicale du groupement hospitalier de territoire.

Dans le cas inverse, le responsable de la stratégie médicale est élu parmi les membres du comité stratégique, selon des modalités définies par le règlement intérieur du groupement hospitalier de territoire. »

Remarque CPH : il est inadmissible de voir ressurgir l’équivalent d’un directeur de la politique médicale comme on l’a connu dans certains établissements comme l’AP-HP. C’est un point totalement inacceptable.

Machiavélique : cette formulation va probablement conduire à ce que TOUS les GHT disposent d’une CME commune, faute de pouvoir l’imposer par la loi ?

Il vaudrait mieux s’assurer de manière réglementaire que la commission médicale de groupement hospitalier de territoire soit systématiquement mise en place en subordonnant l’adoption du projet médical partagé à son avis conforme.

Dans tous les cas, c’est le PCME de la CME commune qui doit être le responsable de la stratégie médicale du GHT.

 

« R. 6132-9. I – La convention de groupement hospitalier de territoire peut prévoir la mise en place d’une commission médicale de groupement.

  1. – La commission médicale de groupement est composée des représentants mandatés par les commissions médicales des établissements parties au groupement hospitalier de territoire pour les représenter.

La répartition et le nombre des sièges au sein de la commission médicale de groupement sont déterminés par le règlement intérieur du groupement hospitalier de territoire.

  1. Les compétences de la commission médicale de groupement sont définies dans la convention constitutive. Les commissions médicales des établissements parties au groupement hospitalier de territoire peuvent déléguer certaines de leurs compétences à la commission médicale de groupement. Cette délégation est formalisée par une délibération de chacune des commissions médicales d’établissement, mentionnant l’objet de la délégation.

Remarque CPH : La CME commune doit être systématique (voir plus haut). Réglementairement, elle doit assurer une représentation minimale et équilibrée de l’ensemble des disciplines (Article R.6144-3-2) et cela n’a de sens que si cela concerne aussi tous les établissements parties.

Donc le plus simple serait que cette CME commune soit la réunion de l’ensemble des CME des établissements parties, en limitant ses compétences à 4 champs : le projet médical partagé, le règlement intérieur, la permanence des soins et le DPC. Deux réunions par an seraient simplement nécessaires.

L’intérêt de cette CME commune plénière serait de favoriser la diffusion d’une identité commune à toutes les équipes médicales et pharmaceutiques du GHT.

 

« R 6132-11 – I – La convention de groupement hospitalier de territoire prévoit la création d’un espace d’expression et de dialogue au sein du groupement hospitalier de territoire. Elle y assure une représentation minimale et équilibrée des représentants des personnels des établissements parties au groupement, conformément au principe général de représentativité. Cet espace réunit des représentants du personnel siégeant aux comités techniques d’établissement, des représentants des commissions médicales d’établissement, des représentants de la direction et, le cas échéant, des représentants de la commission médicale de groupement des établissements parties au groupement.

II- La composition, l’organisation et le fonctionnement ainsi que le périmètre d’intervention de cet espace d’expression et de dialogue sont déterminés par la convention de groupement hospitalier de territoire.

Remarque CPH : Cet article est très insuffisant dans le fond et la forme.

1) La dénomination de cette instance est trop floue.

2) Elle doit être distincte entre PM et PNM sinon cela rappelle les tentatives répétées depuis des années de fusion entre CME et CTE. Les PM seront les principaux concernés par les risques de délocalisation de leur activité, il est indispensable qu’ils disposent d’une instance qui leur soit propre.

3) Les missions de cette instance doivent être précisés réglementairement en faisant référence notamment aux conditions de travail.

4) Dans la composition de cette instance, il doit être inclus des représentants élus des praticiens titulaires ou contractuels de l’établissement, mais aussi des représentants des personnels médicaux et pharmaceutiques désignés par les organisations syndicales siégeant à la Commission régionale paritaire.

 

« R. 6132-15. – I. La fonction achats comprend les missions suivantes :

  • L’élaboration de la politique d’achat et des stratégies d’achat de l’ensemble des domaines d’achats en exploitation et en investissement ;
  • La production opérationnelle des marchés depuis la planification jusqu’à la passation des marchés, dans l’ensemble des domaines ;
  • Le pilotage de la performance achat, le contrôle de gestion achat et la sécurisation juridique des marchés ;
  • Les activités d’approvisionnement.
  1. 1° Le responsable achat, placé sous l’autorité du directeur de l’établissement support du groupement hospitalier de territoire, met en oeuvre la fonction achat.

Remarque CPH : il est inacceptable que la fonction Achats inclut les activités d’approvisionnement.

1) Ce n’est pas dans le champ de la fonction Achats telle qu’elle est habituellement admise.

2) Cela entre directement en conflit avec les missions de la pharmacie à usage intérieur qui est seule habilitée pour l’approvisionnement en médicaments d’un établissement de santé (Art. R.5104-15 1°) et du pharmacien gérant qui en est responsable (Art. R. 5104-28).

Par conséquent, le responsable Achat des produits pharmaceutiques ne pourrait être que le pharmacien gérant. Ou alors il faut exclure l’approvisionnement de la fonction Achats. Ou encore faire une exception concernant l’approvisionnement des seuls produits pharmaceutiques.

 

« R. 6113-11-1. Le département de l’information médicale de territoire procède à l’analyse de l’ensemble de l’activité des établissements parties au groupement hospitalier de territoire. Le médecin responsable du département de l’information médicale de territoire est placé sous l’autorité du directeur de l’établissement support du groupement hospitalier de territoire.

«R. 6113-11-2. – I. Le médecin responsable du département de l’information médicale de territoire est désigné par le directeur de l’établissement support, sur proposition du responsable de la stratégie médicale du groupement, et après avis de l’ensemble des commissions médicales des établissements parties au groupement hospitalier de territoire, ou, le cas échéant, de la commission médicale de groupement.

Remarque CPH : Après les mots « Le médecin responsable du département de l’information médicale de territoire est placé sous l’autorité du directeur de l’établissement support du groupement hospitalier de territoire », il doit être ajouté « dans le respect du principe de son indépendance professionnelle conformément à l’article R. 4127-5 du Code de la santé publique ».

 

Après information du comité stratégique du groupement hospitalier de territoire, le directeur de l’établissement support et le chef de pôle inter établissement signent un contrat de pôle, dans le respect des dispositions du R. 6149-8, précisant les objectifs et les moyens du pôle.

En application de l’article L. 6146-1, le responsable de la stratégie médicale du groupement hospitalier de territoire contresigne le contrat de pôle. Cette signature atteste la conformité du contrat avec les objectifs du projet médical partagé.

Remarque CPH : Tous les contrats de pôle devraient être transmis pour information à la CME, y compris la CME commune. Actuellement, la plupart des contrats de pôle ne sont pas portés à la connaissance des praticiens des pôles concernés.

 

  1. Le projet de pôle définit, sur la base du contrat de pôle, les missions et responsabilités confiées aux structures internes, services ou unités fonctionnelles et l’organisation mise en oeuvre pour atteindre les objectifs qui sont assignés au pôle. Il prévoit les évolutions de leur champ d’activité ainsi que les moyens et l’organisation qui en découlent.

Le chef de pôle élabore un projet de pôle dans un délai de trois mois après sa nomination.

Remarque CPH : Il doit être prévu les mêmes formulations de délégation que celles qui sont prévues dans le décret en cours de validation concernant l’article R. 6146-9-2 (Le règlement intérieur de l’établissement définit les principes du fonctionnement des pôles et des relations entre les chefs de pôles, les chefs de services et les responsables des départements, unités fonctionnelles et autres structures internes, notamment dans les matières suivantes…).

Remarques CPH concernant l’article 6 sur les mutations internes aux GHT :

Erreur sur une référence : R. 6132-12 ? Plutôt R. 6152-12.

Sera-t-il possible de maintenir les autorisations d’activité dans les établissements parties dans le cadre d’un pôle interétablissement ?

Si oui, sera-t-il possible de maintenir en poste sans les renommer les praticiens nommés sur un établissement partie mais inclus dans un pôle interétablissement ?

Dans le cas d’un pôle interétablissement multisites, quel est le directeur d’établissement qui transmet les propositions de nomination ? Quel est celui qui prononcera l’affectation ?

 

NB : il est indispensable que des consignes de modération soient données aux établissements pour éviter que des centaines de praticiens soient mis en difficulté à l’occasion de ces procédures de renomination.

 

La psychiatrie universitaire prône sa meilleure intégration « possible » dans des GHT polyvalents

Publié le 07/03/16 – HOSPIMEDIA

 

Le Pr Pierre Thomas, président du Collège national universitaire de psychiatrie (CNUP), et le Pr Bernard Granger, président du Syndicat universitaire de psychiatrie (SUP), ont souhaité apporter leur contribution aux réflexions actuelles sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT). Dans un communiqué du 7 mars, ils estiment que la mise en place des GHT « suscite des inquiétudes justifiées« , notamment par le fait que la composition des GHT « est souvent définie par les ARS sans prise en compte de l’avis et de l’expérience des acteurs directement concernés« . Pour rappel, ces inquiétudes sont notamment exprimées par les acteurs de la psychiatrie publique (directeurs, praticiens hospitaliers et usagers). Ces derniers ont récemment demandé des garanties aux tutelles, alors que le décret sur les GHT est toujours soumis à concertation (lire ci-contre).

Le CNUP et le SUP rappellent que certains services universitaires sont implantés dans des CHU, d’autres dans des CH spécialisés (CHS) en psychiatrie, d’autres enfin, plus rares, dans des hôpitaux généraux (CH). Ils rappellent aussi que certains services universitaires de psychiatrie sont sectorisés, alors que d’autres non. « L’ensemble de ces situations appelle une souplesse dans la mise en place des GHT et ne peut pas relever d’un schéma d’organisation unique« , estiment les universitaires.

« Nous sommes favorables à la meilleure intégration possible des services universitaires de psychiatrie dans des GHT polyvalents associant l’ensemble des disciplines médicales« , annoncent le CNUP et le SUP. Cela permettra selon eux « une meilleure coordination des soins psychiatriques et somatiques et contribuera à la déstigmatisation des troubles mentaux« . Ils reconnaissent néanmoins que « certaines situations territoriales peuvent justifier la constitution d’un GHT psychiatrique » entre CHS. « Dans tous les cas de figure, les services universitaires de psychiatrie doivent faire reconnaître dans le projet médical des GHT leurs activités de soins de proximité et de recours, leurs activités de recherche et d’enseignement, en lien avec les autres services de psychiatrie et les autres disciplines médicales« , écrivent-ils.

Il est par ailleurs impératif, soulignent les universitaires de psychiatrie, que les dotations annuelles de financement (Daf) dévolues à leur discipline fassent « l’objet d’une attribution intégrale aux activités de psychiatrie et ne soient pas en partie utilisées à d’autres fins comme cela est trop souvent le cas dans les CHU et CH« . Ils souhaitent d’ailleurs que soient mis en œuvre « immédiatement les outils comptables permettant de vérifier une telle attribution« . Enfin et surtout, ils demandent « que les crédits alloués à la psychiatrie hospitalière soient à la hauteur des missions qu’elle doit assurer« .

Caroline Cordier

Demain, des praticiens hospitaliers tous nomadisés ?

Jean-Bernard Gervais

Medscape |10 mars 2016

Paris, France – Si les médecins libéraux ont donné de la voix, depuis plus d’un an, sur l’article tant polémique définissant le tiers-payant généralisé (TPG), un autre paragraphe du projet de loi de modernisation de notre système de santé suscite l’inquiétude [1]. Mais cette fois-ci, du côté des praticiens hospitaliers. Il s’agit de l’article 107 qui définit les groupements hospitaliers de territoire (GHT).

Désormais, les établissements publics et, de manière optionnelle, les cliniques, auront obligation d’adhérer à un groupement hospitalier de territoire, lequel devra organiser les soins de manière graduée, autour d’un établissement pivot, le CHU du territoire dans la plupart des cas. Ces regroupements hospitaliers sont rendus obligatoires par la loi, mais ne sont pas dotés de la personnalité morale.

Le décret d’application de cet article est actuellement en concertation, à la direction générale de l’organisation des soins (DGOS). Et les syndicats de praticiens hospitaliers tirent la sonnette d’alarme depuis février. Pour eux, ce projet de décret recèle des risques pour les praticiens hospitaliers. Le 5 février dernier, Action Praticiens Hôpital (APH), qui regroupe les intersyndicales Avenir Hospitalier et la Confédération des praticiens des hôpitaux, publiait un communiqué de presse qui s’alarmait des risques de nomadisation des médecins hospitaliers au sein des GHT.

 

APH dénonce le manque de concertation et les formulations vagues

Le 5 février dernier, Action Praticiens Hôpital (APH) publiait un communiqué de presse qui s’alarmait des risques de nomadisation des médecins hospitaliers au sein des GHT : « La rédaction actuelle de la Loi de modernisation du système de santé et celle de nos statuts depuis 2005 va permettre qu’au sein du GHT et d’un pôle inter-établissement, les postes de PH soient tous transformés en postes de PH nomades.

Si le PH refuse ce nouveau profil de poste, la seule solution sera la « mise en recherche d’affectation » au niveau national, avec reconversion et réaffectation, et licenciement au bout de la procédure. » Les syndicalistes craignaient avant tout que la construction du projet médical partagé de la GHT soit élaborée sans concertation des médecins. Une nouvelle version du décret a répondu en partie aux inquiétudes des intersyndicales. Mais pas suffisamment.

Dans la nouvelle mouture, il est précisé que l’élaboration des projets médicaux partagés impliquerait les équipes médicales. Une formulation trop vague pour satisfaire Action Praticiens Hôpital : « Le terme  » impliquant les professionnels  » est bien trop flou pour que ça soit opérationnel. Le dimensionnement de ces équipes territoriales doit prendre en compte activités cliniques et activités non cliniques. »

 

Les présidents de CME et d’hôpitaux s’inquiètent aussi

Autre pierre d’achoppement, la date de mise en place desdits groupements hospitaliers de territoire : selon le projet de décret, les GHT devront être opérationnelles le 1er juillet 2016. Cette échéance est synonyme de précipitation et risque d’engendrer des bouleversements néfastes pour les équipes soignantes et médicales : « L’échéance du 1er juillet 2016 est dès lors totalement utopique, sauf à vouloir un passage en force du projet médical de territoire. Nous demandons que cette date soit repoussée de 6 mois », propose l’intersyndicale. Qui avance d’autres revendications : validation du règlement intérieur de la GHT par les CME et CTE, création au sein des GHT d’une instance de gestion des ressources médicales… Et de prévenir : « Nous n’accepterons pas de devenir des « producteurs de soins nomadisés » subissant une organisation imposée par une hiérarchie pesante et éloignée du terrain ». L’intersyndicale Action praticiens hôpital n’est pas la seule à s’inquiéter de la mise en place de ces GHT. La conférence des présidents de CME de centre hospitalier a elle aussi publié un communiqué pour s’offusquer de leur modalité. En cause : le gigantisme des ces regroupements d’hôpitaux.

La conférence craint « l’émergence de macrostructures connues pour leur inefficience et leur méconnaissance des réalités des territoires et des bassins de vie ». Et d’ajouter : « La mise en œuvre d’équipes médicales de territoire surdimensionnées, intervenant sur de multiples sites sans aucune cohérence médicale, et pilotées par un responsable éloigné de leur réalité quotidienne, sera inéluctablement vouée à la catastrophe ». Les directeurs des hôpitaux s’inquiètent aussi de ces GHT. « Des GHT XXL seraient une erreur, note le syndicat de directeurs Syncass-CFDT par communiqué. Se montent des conglomérats de grande dimension, associant de nombreux établissements, parfois autour du CHU. Dès lors, le projet médical tend à devenir un catalogue et non plus l’axe structurant l’organisation du GHT. »

GHT potentiellement promotrices de burn-out et de suicides?

Les inquiétudes des professionnels hospitaliers ne sont pas vaines. Ces GHT, et la mobilité qu’elle induit pour les praticiens hospitaliers et le personnel soignant, peuvent avoir des répercussions néfastes. C’est ce dont prévient Christelle Mazza, avocate, dans un post de son blog, consacré au suicide des professionnels de santé. Et de rappeler que la loi HPST avait considérablement renforcé le pouvoir des directeurs d’hôpital, au détriment de la communauté médicale, « conduisant à des suspensions arbitraires, de soudains changements de poste voire des mises au placard ce qui est naturellement facilité par les restrictions budgétaires ».

Les GHT sont porteuses, potentiellement, d’une augmentation des souffrances psychiques, qui pourrait mener à des actes suicidaires : « Au vu du contexte, la gouvernance devient celle d’un cirque romain et on pousse vers la sortie, parfois non sans perversité, de façon totalement inacceptable. Une situation qui  pourrait encore s’aggraver avec la mise en place des groupements hospitaliers de territoires (GHT) prévus par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, augurant de réorganisations fortement déstabilisantes ».

 

Après le dossier médical partagé, le Projet Médical Partagé 

Selon le projet de décret dont nous avons eu copie, le projet médical partagé « précise la stratégie médicale du groupement hospitalier de territoire par filières. Sa rédaction implique les professionnels médicaux et soignants des spécialités concernées pour chaque filière ».

Outre les objectifs médicaux, l’organisation des activités, « l’organisation par filière d’une offre de soins graduée de la proximité au recours », le Projet Médical Partagé comprend un ensemble de programmes qui devront être partagés par l’ensemble des hôpitaux de la GHT : projet commun de biologie, d’imagerie diagnostique, de pharmacie.

Mais surtout, le projet médical partagé prévoit la création d’équipes médicales        communes au sein des GHT. Or, pour certaines d’entre elles, le périmètre risque d’être très large : il est possible qu’un PH doive intervenir sur l’ensemble d’une département, et pourquoi pas d’une région.

 

Experts

Sans experts la justice est nue

Si elle ne disposait que de ses codes pour agir la justice, parquet comme siège, civile comme pénale, serait bien démunie. Il lui faut des experts pour analyser, comprendre mais aussi pour tracer des perspectives. Ces experts ne rendent pas la justice et ne doivent pas la rendre – d’aucune manière les magistrats ne doivent démissionner entre leurs mains -, mais ils la facilitent. On attend beaucoup d’eux, parfois trop quand on entend spécialement en matière pénale qu’ils prévoient l’avenir à coup sûr ! On est a deux doigts d’engager leurs responsabilités civile et pénale s’ils se sont trompés. D’une obligation de moyens on tend à une obligation de résultat. Ceci explique partiellement la difficulté à trouver en nombre et en qualité des experts. Mais si en outre on les mal-traite en leur versant avec des retard faramineux leurs indemnités, au demeurant souvent modestes au regard du travail fourni, la justice – juridictions et Chancellerie – se tire une balle dans le pied. Ces réflexions valent pour l’ensemble de la justice, pas seulement pour la justice de mineurs. Il m’apparait opportun de permette à Daniel Zagury, psychiatre des hôpitaux, expert (reconnu) près de la Cour d’Appel de Paris, responsable du Centre psychiatrique du Bois de Bondy (EPS de Ville-Evrard) de faire le point sur la grève de l’expertise qui se déroule dans un silence assourdissant.
C’est bien l’avenir d’une certaine justice qui se joue. A défaut de l’entendre nous aurons une justice aux mains nues.

L’expertise et les praticiens du service public : le coup de grâce
Daniel ZAGURY

Ø Les praticiens du service public, qui font des expertises, sont en grève depuis le décret du 30 décembre 2015.
Ce décret leur retire le statut de collaborateur occasionnel du Service Public. En France, on méprise le plus souvent les revendications que l’on dit catégorielles, en les opposant au monde des idées et des débats, seul digne d’intérêt, sans entrevoir les liens qu’ils entretiennent. Sans experts, il n’y aurait plus d’expertise, aurait devisé Monsieur De Lapalice.
À vrai dire, la situation de l’expertise pénale est si rocambolesque, que l’on se heurte à l’incrédulité de ceux à qui l’on tente de la présenter. Par décret du 17 janvier 2000, les médecins et les psychologues hospitaliers experts avaient été considérés comme des « collaborateurs occasionnels du service public », logique définition de leur mission. Ils étaient donc de fait rattachés au régime général de la Sécurité sociale, tels des salariés de la Justice. Les praticiens, pour plupart hospitaliers, effectuent ces expertises en plus de leur travail L’employeur, en l’occurrence le ministère de la justice, aurait donc dû payer les charges sociales de ses experts.
Il ne l’a pas fait depuis quinze ans. La Garde des Sceaux s’était engagée à régler le problème laissé en suspens par ses prédécesseurs. Profondément révulsée d’avoir été accusée d’entretenir le travail dissimulé, elle a tenu sa promesse, mais de la pire des manières, sans concertation, en faisant supporter aux seuls hospitaliers le poids des prestations sociales, en les amputant de la moitié de leurs émoluments déjà notoirement ridicules.
En effet avec ce décret, Ils devraient désormais pour cette mission de service public relever du régime social indépendant comme un professionnel libéral pour ses seules vacations.
Ce qu’Élisabeth Guigou avait entamé, Christiane Taubira l’a aboli. Ce que la gauche a fait, la gauche l’a défait. Qu’une femme politique, qui se revendique comme toujours plus à gauche, ait été celle qui propulse les hospitaliers vers le régime libéral et consacre la rupture des ponts entre Santé et Justice, laisse pantois.
Sans doute gênée et vaguement honteuse d’une décision prise aux seules fins de protéger l’Etat de ses devoirs et de sauver les meubles en catastrophe, la chancellerie s’est justifiée : face à ce que les syndicats hospitaliers unanimes ont qualifié « d’arnaque », elle a invoqué la nécessaire indépendance de l’expert vis-à-vis du juge qui le nomme, en entretenant la confusion entre lien de subordination contractuel et indépendance dans l’exercice de l’art. Or, nous sommes bien juridiquement dans un lien de subordination mais nous sommes indépendants dans nos avis. En prétendant protéger cette indépendance, la chancellerie n’a fait qu’amplifier notre colère.

 

Avec nombre de collègues, je sais de quel prix on peut payer l’indépendance d’esprit en restant debout dans la tourmente, amarré à la clinique et à la déontologie médicales, quel que soit le sens du vent. Si l’on voulait des experts indépendants, il faudrait commencer par abolir cette pratique dévoyées qui consiste à transformer l’examen de garde à vue en expertise, à faire examiner dans les commissariats pendant quelques minutes des gardés à vue par des médecins souvent dépourvus d’expérience médico-légale, en leur intimant de conclure sur la responsabilité pénale et l’avenir lointain. Ils sont instrumentalisés, dans un retour à un tri médico-judiciaire que l’on croyait depuis longtemps révolu. Sont-ils « indépendants », ceux qui se plient à ces injonctions contraires aux bonnes pratiques médicales, récusées par la conférence de consensus sur l’expertise ?
Il faudrait également réfléchir à ces listes d’experts qui ne servent plus à rien, puisque la pénurie d’experts et l’inflation des demandes conduisent à chercher ailleurs ceux qui consentent à travailler dans de telles conditions. Dans la plupart des pays de niveau comparable, on sollicite les plus compétents dans leur domaine, reconnus comme tels par leurs pairs, et non des professionnels dont le seul mérite est d’être inscrits sur une liste, sur des critères dénués de transparence.

Ø À chaque période de l’histoire, la relation Santé Justice a montré le meilleur et le pire. Le pire, c’est toute une série de dérives liées à la complexité de l’exercice, qui risquent de transformer l’expert en Diafoirus des prétoires, que Michel Foucault avait dépeints avec justesse et cruauté. Le meilleur, c’est le concours prêté par des cliniciens de talent, sacrifiant une partie de leur temps au service d’une collaboration médico-judiciaire qui n’a jamais enrichi personne. Expert depuis plus de vingt-cinq ans, j’ai eu l’occasion d’éprouver régulièrement la fierté de faire le même métier que certains de mes collègues, de partager avec eux le goût de la précision clinique, de la pédagogie de la complexité et de l’ouverture à la société.

Ø Bien sûr, l’expertise pénale en France était déjà bien malade, avec une inflation ridicule des demandes, à la mesure inverse du nombre d’experts ; avec la démission de praticiens écœurés par la médiocrité des conditions d’exercice ; avec un système contre-productif qui encourage l’indigence : si l’on est scrupuleux, ce sera travailler plus pour gagner moins. Ce système est devenu fou, exigeant par obligation procédurale des expertises pour la forme, alors que la justice est incapable d’honorer celles dont l’enjeu est crucial. Mais au moins pouvait-on espérer la prise de conscience des pouvoirs publics, la fin d’un déclin préoccupant, la reconnaissance tardive des services rendus par les médecins et psychologues hospitaliers, dans un pays où la psychiatrie légale fut si prestigieuse.

Ø Christiane Taubira a tranché. Comment a-t-on pu penser autour d’elle que les praticiens courberaient l’échine face à la maltraitance dont ils font l’objet ? Il est consternant de voir des techniciens aboutir à une telle décision, en toute méconnaissance de la sociologie de l’expertise, de ses fonctions, de ses conditions d’exercice et des liens historiques de la Justice et de la Psychiatrie. Ils ont réglé le problème de l’état en se défaussant de sa dette sur ses serviteurs. Il se pourrait qu’ils soient surpris de l’effet qu’ils ont produit. Certes la dimension financière justifierait à elle seule une réaction massive. Mais ce qu’ils n’ont pas compris, c’est qu’ils ont attaqué la sacralité du lien historique entre l’Hôpital et le Tribunal. Ce qu’ils n’ont également pas compris, c’est que ce sont les hospitaliers très largement majoritaires dans l’expertise pénale, qui ont jusqu’à présent évité le naufrage. En guise de remerciement, ils les ont abandonnés à leur sort.

Ø Mais le plus grave sans doute, c’est le crime de transmission. Le diplôme inter-universitaire de psychiatrie légale, les divers diplômes universitaires et les séminaires cliniques témoignent d’un renouveau d’intérêt chez les jeunes praticiens. Mais que leur dire ? Qu’ils vont travailler pour la moitié d’une indemnité misérable ? Que leurs prestations aux Assises seront gratifiées d’un pourboire ? Que diverses caisses viendront tondre le peu de laine qui restera sur leur dos ? Qu’ils n’auront ni la liberté de la pratique libérale, ni la protection de la reconnaissance de collaborateurs occasionnels, mais le pire de chacun de ces statuts ? Que les experts français ont honte dans les congrès internationaux ? Que tout le monde sait depuis des années que la situation de l’expertise est catastrophique mais que les pouvoirs publics ne sont sortis de leur léthargie que pour accabler un peu plus les experts ?

On serait plutôt tenté de leur conseiller de fuir cette galère, en tout cas en France, pays décidément incapable d’offrir un avenir à ses jeunes talents. Bien sûr, nous ne le ferons pas et c’est pour eux qu’il convient d’œuvrer pour la réforme d’un système archaïque, afin d’éviter une déchirure irréversible.

CME

Loi de santé: publication du décret renforçant le rôle des CME

 

PARIS, 14 mars 2016 (APM) – Le Journal officiel de dimanche a publié un décret réformant les compétences et l’organisation des commissions médicales d’établissement (CME), ainsi que la fonction de chef de service.

 

Ce décret est pris en application de la loi de santé (cf APM NC4O1CWK8), publiée le 27 janvier au Journal officiel (cf APM NC4O1CWK8). Une version préliminaire, dont l’APM avait eu copie en décembre 2015, fixait déjà en grande partie son contenu, note-t-on (cf APM SAN2NZRA41).

 

Il est relatif précisément à « la commission médicale d’établissement, au règlement intérieur et aux fonctions de chefs de services et de responsables de départements, unités fonctionnelles ou structures internes des établissements de santé ».

 

Son premier article modifie les sujets sur lesquels la CME est consultée en rajoutant qu’elle se prononce « notamment sur la cohérence médicale et la conformité au projet médical de l’organisation en pôles de l’établissement », au lieu de simplement sur « l’organisation interne de l’établissement ».

 

Il prévoit également que la CME « établit son règlement intérieur dans le respect de ses compétences ». « Elle y définit librement son organisation interne » sous réserve des dispositions, déjà existantes, relatives à son mode de fonctionnement.

 

Le décret modifie aussi les modes de nomination des responsables de structure interne, service ou d’unité fonctionnelle des pôles d’activité clinique ou médico-technique.

 

Ces derniers sont dorénavant nommés par le directeur « sur proposition du président de la commission médicale d’établissement, après avis du chef de pôle », à l’inverse des dispositions actuelles, qui prévoient qu’ils soient nommés « sur proposition du chef de pôle, après avis du président » de la CME.

 

Le texte précise également que les responsables de services, de départements, de structures internes ou d’unités fonctionnelles sont nommés « pour une période de quatre ans renouvelable ».

 

« Dans les deux mois suivant leur nomination, le directeur propose à ces responsables une formation adaptée à l’exercice de leurs fonctions », est-il ajouté.

 

S’agissant d’une éventuelle destitution, il n’est désormais plus précisé qu’il est mis fin, dans l’intérêt du service, aux fonctions de responsable de structure interne, service ou unité fonctionnelle « à l’initiative du directeur ». La décision lui revient cependant toujours, « après avis du président de la commission médicale d’établissement et du chef de pôle ».

 

L’alinéa prévoyant qu’une destitution peut « intervenir sur proposition du chef de pôle, après avis du président de la commission médicale d’établissement » est supprimé.

 

Le décret insère un nouvel article dans le code de la santé publique relatif au règlement intérieur de l’établissement.

 

Ce règlement « définit les principes du fonctionnement des pôles et des relations entre les chefs de pôles, les chefs de services et les responsables des départements, unités fonctionnelles et autres structures internes notamment dans les matières suivantes:

 

La recherche clinique et l’innovation
L’enseignement, dans le cadre de la formation initiale et continue
La qualité et la sécurité des soins et des prises en charges
L’organisation de la continuité et de la permanence des soins
La coordination des parcours de soin, l’organisation et l’évaluation de la prise en charge médicale du patient
La gestion des ressources humaines et l’autorité fonctionnelle sur les personnels composant les services et autres structures
Les principes de la formation et de l’évaluation des fonctions de chef de service et des responsables des départements, unités fonctionnelles et autres structures internes »

 

L’article 2 du décret prévoit l’application en pratique de ces évolutions. Il fixe notamment que « les établissements mettent en conformité leur règlement intérieur, ainsi que celui des commissions médicales d’établissement […] dans un délai de six mois » à compter de sa publication.

 

« Les responsables de services, de départements, de structures internes ou d’unités fonctionnelles en exercice à la date de publication du présent décret sont maintenus en fonctions jusqu’à ce qu’une durée de quatre ans ait couru depuis leur nomination », précise le texte.

 

Ce maintien est effectif un an minimum après l’entrée en vigueur du présent décret, lundi. « Ils [sont] ensuite nommés dans les conditions prévues » par les dispositions précédemment évoquées.

 

UN TEXTE QUI « VA DANS LE BON SENS »

 

Dans un communiqué diffusé lundi, Action praticiens hôpital (APH) (regroupement d’Avenir hospitalier et de la Confédération des praticiens des hôpitaux -CPH), salue la publication de ce décret. Il « reprend un certain nombre de mesures que nos organisations avaient demandées », souligne l’intersyndicale de praticiens hospitaliers.

 

« Même s’il subsiste des insuffisances, ce texte va globalement dans le bon sens », poursuit-elle. Il entérine cependant « un processus descendant, puisque les équipes [de praticiens] ne sont jamais citées comme parties utiles à consulter, alors qu’elles constituent la base des GHT [groupements hospitaliers de territoire] » dans le cadre des équipes territoriales.

 

La présidente d’APH, Nicole Smolski, avait indiqué à l’APM en décembre souhaiter « qu’il y ait un peu plus de sens donné à la démocratie au niveau des praticiens de base avec une évaluation des chefs de service et des chefs de pôle », rappelle-t-on.

 

Pour l’intersyndicale, l’article fixant le champ des délégations possibles entre chefs de pôle et chefs de service « repositionne clairement les services comme structures opérationnelles de l’exercice médical », peut-on lire dans son communiqué de lundi.

 

APH encourage finalement les membres des CME à se rapprocher de sa Charte d’engagement des candidats. La démocratie hospitalière gagnerait ainsi « encore de l’espace », fait-il valoir.

 

Décret no 2016-291 du 11 mars 2016 relatif à la commission médicale d’établissement, au règlement intérieur et aux fonctions de chefs de services et de responsables de départements, unités fonctionnelles ou structures internes des établissements publics de santé

 

Publics concernés : établissements publics de santé.

Objet : modification des règles relatives à la commission médicale d’établissement, au règlement intérieur et aux fonctions de chefs de services et de responsables de départements, unités fonctionnelles ou structures internes des établissements publics de santé.

Entrée en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication. Les établissements disposent d’un délai de six mois pour adapter leur règlement intérieur et celui des commissions médicales aux dispositions du décret.

Notice : le présent décret fait évoluer les compétences et l’organisation de la commission médicale d’établissement ainsi que les relations entre les pôles et les services. La commission médicale d’établissement se prononcera désormais sur la cohérence médicale et la conformité au projet médical de l’organisation en pôles. Le décret précise également le contenu du règlement intérieur de l’établissement. Enfin, les responsables de structures internes, services ou unités fonctionnelles seront désormais nommés après avis du président de la commission médicale d’établissement et du chef de pôle.

Références : les dispositions du code de la santé publique modifiées par le présent décret peuvent être consultées, dans leur rédaction résultant de cette modification, sur le site Légifrance (http://www.legifrance.gouv.fr).

 

Le Premier ministre,

Sur le rapport de la ministre des affaires sociales et de la santé,

Vu le code de la santé publique, notamment ses articles L. 6144-1, L. 6146-1 et L. 6146-11 ;

Le Conseil d’Etat (section sociale) entendu,

Décrète :

Art. 1er. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le 4° du I de l’article R. 6144-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« A ce titre, la commission se prononce notamment sur la cohérence médicale et la conformité au projet médical de l’organisation en pôles de l’établissement. » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article R. 6144-6 est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l’accomplissement de ses missions, la commission médicale d’établissement établit son règlement intérieur dans le respect de ses compétences. Elle y définit librement son organisation interne sous réserve des dispositions qui suivent. » ;

3° L’article R. 6146-4 est ainsi modifié :

  1. a) Les mots : « sur proposition du chef de pôle, après avis du président de la commission médicale d’établissement » sont remplacés par les mots : « sur proposition du président de la commission médicale d’établissement, après avis du chef de pôle » ;
  2. b) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les responsables de services, de départements, de structures internes ou d’unités fonctionnelles sont nommés pour une période de quatre ans renouvelable. Dans les deux mois suivant leur nomination, le directeur propose à ces responsables une formation adaptée à l’exercice de leurs fonctions. » ;

4° L’article R. 6146-5 est ainsi modifié :

  1. a) Au premier alinéa, les mots : « , à son initiative » sont supprimés ;
  2. b) Le deuxième alinéa est supprimé ;

5° Après l’article R. 6146-9-1, il est inséré un nouvel article R. 6146-9-2 ainsi rédigé :

« Art. R. 6146-9-2. – Le règlement intérieur de l’établissement définit les principes essentiels du fonctionnement des pôles et des relations entre les chefs de pôles, les chefs de services et les responsables des départements, unités fonctionnelles et autres structures internes, notamment dans les matières suivantes :

« 1° La recherche clinique et l’innovation ;

« 2° L’enseignement, dans le cadre de la formation initiale et continue ;

« 3° La qualité et la sécurité des soins et des prises en charge ;

« 4° L’organisation de la continuité et de la permanence des soins ;

« 5° La coordination des parcours de soins, l’organisation et l’évaluation de la prise en charge médicale du patient ;

« 6° La gestion des ressources humaines et l’autorité fonctionnelle sur les personnels composant les services et autres structures ;

« 7° Les principes de la formation et de l’évaluation des fonctions des chefs de service et des responsables des départements, unités fonctionnelles et autres structures internes. »

Art. 2. – Dans un délai de six mois à compter de la publication du présent décret, les établissements mettent en conformité leur règlement intérieur ainsi que celui des commissions médicales d’établissement.

Les responsables de services, de départements, de structures internes ou d’unités fonctionnelles en exercice à la date de publication du présent décret sont maintenus en fonctions jusqu’à ce qu’une durée de quatre ans ait couru depuis leur nomination. Si ce maintien en fonctions conduit leur mandat à expirer moins d’un an après l’entrée en vigueur du présent décret, ils sont maintenus en fonctions jusqu’à l’expiration de ce délai d’un an après l’entrée en vigueur du présent décret. Ils seront ensuite nommés dans les conditions prévues par l’article R. 6146-4 du code de la santé publique dans sa rédaction résultant du présent décret.

Art. 3. – La ministre des affaires sociales et de la santé est chargée de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 11 mars 2016.

MANUEL VALLS

Par le Premier ministre :

La ministre des affaires sociales

Financement

Financement de la psychiatrie: le comité de pilotage va bien se mettre en place (DGOS)

 

PARIS, 17 mars 2016 (APM) – Christine Bronnec, adjointe à la sous-direction de la régulation de l’offre de soins à la DGOS, a annoncé jeudi à l’APM qu’un comité de pilotage psychiatrique, appelé à travailler notamment sur le financement et la tarification, « allait effectivement se mettre en place, dans des délais pas trop éloignés ».

 

Christine Bronnec avait déjà annoncé que la direction générale de l’offre de soins (DGOS) envisageait de créer une telle instance, en octobre 2013, rappelle-t-on (cf APM ABQJI002).

 

Lors d’une rencontre avec les représentants de la Fédération hospitalière de France (FHF) et des cinq conférences hospitalières, fin 2015, la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, avait confirmé son intention de créer un comité de pilotage national en psychiatrie (cf APM PM2NXB9OD ), mais sans donner aucune précision sur le calendrier ou sur les objectifs précis de ce comité.

 

La mise en place d’un comité de pilotage sur les modes de financement, prévue dans le Plan psychiatrie et santé mentale 2011-15, est une demande récurrente des acteurs de la psychiatrie, note-t-on.

 

« On a la volonté de reprendre cette réflexion […]. Je pense que ce n’est plus qu’une question de mois avant que tous les acteurs se réunissent et travaillent sur le financement de la psychiatrie », a assuré à l’APM Christine Bronnec jeudi en marge de la journée d’étude internationale sur la santé mentale.

 

« Ce qu’on a constaté en 2008, c’est qu’on ne pouvait pas engager de rénovation du modèle de financement tant qu’on n’avait pas une organisation clarifiée. C’est l’une des bases qu’apporte la loi de santé […] A partir du moment où elle clarifie bien les responsabilités des acteurs de santé mentale, de psychiatrie et de psychiatrie de secteur, on a déjà une base pour financer les activités pour ce qu’elles sont. Mais cela va demander un travail très long, ce n’est pas pour tout de suite ni pour demain », a indiqué jeudi la représentante de la DGOS.

 

Même si les travaux sur la valorisation de l’activité en psychiatrie (VAP) sont bloqués depuis plusieurs années, certaines agences régionales de santé (ARS), dans la foulée de l’administration centrale, mais parfois aussi avant elle (cf APM VL9NTMO5G), ont décidé de ne plus allouer la totalité de la dotation annuelle de financement (DAF) sur les seules bases historiques.

 

En 2015, de plus en plus d’ARS ont décidé de mettre en place des systèmes de modulation pour rendre la DAF allouée aux hôpitaux psychiatriques plus équitable, et plus en phase avec les objectifs de prise en charge, a déjà constaté l’APM dans une enquête auprès d’une douzaine d’entre elles (cf APM VL7NTSJXP).

 

« La DAF est très souple: que vous ayez des lits, des consultations, des réunions de travail avec les acteurs ou des équipes mobiles, elle vous permet de tout financer. En l’absence d’éléments plus précis, c’est un mode de financement qui n’est pas si mal adapté que ça », a estimé Christine Bronnec. Elle a néanmoins reconnu que l’égalité de la répartition de la DAF sur les régions et les territoires « pose question ».

 

« Depuis trois ans, depuis que [nous utilisons] quelques critères liés à la durée de l’hospitalisation, ou au développement de l’ambulatoire, cela a un peu changé. Mais un changement important des financements ne peut qu’accompagner un changement des organisations », a souligné la représentante de la DGOS.

Isolement et contention

Le CGLPL plaide pour une instance nationale recensant les isolements et contentions de patients

Publié le 17/03/16 – 10h48 – HOSPIMEDIA

À l’occasion de la publication au Journal officiel (JO) d’un rapport accablant sur le Centre psychothérapique de l’Ain (CPA), Adeline Hazan, contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), a présenté lors d’un point presse le 16 mars les suites données à cette visite. Des suites détaillées dans la réponse faite par le ministère des Affaires sociales et de la Santé et également publiées au JO. Plus globalement, Adeline Hazan a rappelé que le placement en chambre d’isolement et la mise sous contention sont à l’évidence les mesures les plus restrictives de liberté et les plus susceptibles d’atteinte à la dignité. D’autant qu’il n’existe aucun recours contre ces décisions. Pour le CGLPL, user de ces mesures doit répondre à des critères très précis et être strictement encadré, ce qui n’est pas toujours le cas. Selon Adeline Hazan, il est même « absolument inadmissible » qu’à ce jour, certaines de ces pratiques ne soient même pas systématiquement référencées dans de nombreux établissements.

Elle a signalé avoir remis le 15 mars à la ministre des Affaires sociales et de la Santé son rapport annuel. Elle a pu évoquer à cette occasion le cas particulier du CPA mais aussi la problématique plus générale de la fréquence du recours à la contention et à l’isolement dans certains établissements. Adeline Hazan a plaidé auprès de Marisol Touraine la nécessité de disposer d’un recensement global de ces pratiques, grâce à une instance nationale indépendante. Celle-ci pourrait être un observatoire, tel que le souhaite notamment la conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME) de CH spécialisés. Selon Adeline Hazan, la ministre s’est déclarée favorable pour réfléchir à la création d’une telle instance, qui ne nécessiterait pas une modification législative mais pourrait être effective par un simple règlement. Toujours d’après le contrôleur général, la ministre prend « extrêmement au sérieux » la situation soulevée au CPA et veillera « tout spécialement » à la mise en œuvre des mesures prises pour restaurer un fonctionnement et des pratiques professionnelles dans l’établissement conformes au respect des droits des patients.

Par ailleurs, le contrôleur général sortira fin mai un rapport thématique précisément sur le recours à l’isolement et à la contention en psychiatrie, a annoncé Adeline Hazan. Enfin, la ministre a indiqué à cette dernière qu’une circulaire du ministère aux ARS est en cours de finalisation, dans le cadre de la mise en application des dispositions relatives à l’isolement et à la contention de la loi de Santé, promulguée début 2016. La loi prévoit en effet que les établissements ont l’obligation de tenir un registre retraçant chaque mesure d’isolement ou de contention. Chaque établissement devra par ailleurs établir chaque année un rapport rendant compte des pratiques d’isolement et de contention ainsi que des actions mises en place pour en limiter le recours.

Caroline Cordier

« En psychiatrie, l’humiliation n’est jamais un acte de soin »

Le recours à l’isolement et à la contention est en augmentation dans les hôpitaux psychiatriques, selon Béatrice Borrel, présidente de l’Unafam, qui représente les familles et les personnes handicapées psychiques.

Béatrice Borrel est présidente de l’Union nationale des familles et amis de personnes malades et handicapés psychiques (Unafam). Elle réagit au rapport rendu public mercredi 16 mars par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté sur le centre psychothérapique de l’Ain, près de Bourg-en-Bresse.

Que pensez-vous de ce rapport qui dénonce des « violences graves des droits fondamentaux » des patients placés de manière abusive à l’isolement ou sous contention ?

Béatrice Borrel : Je sais ce qui se passe dans beaucoup d’hôpitaux psychiatriques. Mais ce que j’ai découvert dans ce rapport est incroyable et scandaleux. Cela atteint des proportions difficiles à imaginer. Même si on savait que des problèmes se posaient dans cet établissement. La fille du président de notre délégation départementale y est hospitalisée. Et au printemps, 2015, il a souhaité donner l’alerte pour dire que sa fille était à l’isolement depuis 16 mois sans qu’il puisse faire quoi que ce soit. Il a donc envoyé un courrier au Contrôleur des lieux de privation des libertés. Ensuite, il a recueilli le témoignage d’autres familles mais qui n’ont pas souhaité faire de signalement. Vous savez, beaucoup de familles n’osent pas toujours dénoncer les problèmes que rencontre leur proche hospitalisé. Elles ont peur que cela se retourne contre lui ou qu’il se retrouve sans lieu d’accueil.

Mais comment expliquer que de telles pratiques, presque institutionnalisées, aient pu perdurer sans que personne, avant votre représentant, ne donne l’alerte ?

B.B. : Je ne comprends pas. Je suis même atterrée car les hôpitaux psychiatriques sont régulièrement visités par la préfecture ainsi que par la commission départementale de soins psychiatriques (CDSP). Cette instance a pour mission d’examiner la situation des personnes admises en hospitalisation sans consentement et s’assurer du respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes.

Que pensez-vous de la pratique de l’isolement et de la contention en psychiatrie ?

B.B. : On ne conteste pas le fait que cela puisse être nécessaire dans certaines situations de crise avec des patients très agressifs, très agités pouvant présenter un danger pour autrui ou pour eux-mêmes. Mais cela doit être décidé sur prescription médicale et surtout très limité avec une réévaluation régulière de l’état de la personne. Or, depuis quelques années, on constate une augmentation du recours à ces pratiques sans que cela ne soit justifié sur un plan thérapeutique. Et là, on entre dans les zones d’ombre de la psychiatrie. L’humiliation n’est jamais un acte de soin. Et priver un patient de sa liberté, l’attacher sans que cela ne soit justifié, c’est une manière de l’humilier.

Comment expliquez-vous que ces pratiques soient en augmentation ?

B.B. : On peut trouver diverses explications qui, toutefois, ne permettent en aucun cas de justifier la multiplication de ces pratiques. Souvent, dans ces établissements, on invoque le manque de personnel ou la formation insuffisante des équipes. Ce qui est vrai, c’est que par le passé, il y avait des infirmiers formés spécifiquement à la psychiatrie. Ils avaient une certaine expérience des patients et savaient gérer des situations de crise. Aujourd’hui, dans les établissements, il y a des infirmiers qui ont reçu une formation généraliste.

En novembre, l’Unafam mettait en garde contre un « autre excès », celui de la contention chimique…

B.B. : Oui, c’est un sujet majeur. Il ne faudrait pas qu’on remplace la contention physique par la contention chimique. On le sait, celle-ci a toujours existé dans les établissements psychiatriques où, à une époque, on donnait volontiers des sédatifs aux patients pour qu’ils se tiennent « tranquilles » durant le week-end. Cette contention chimique existe encore dans certains endroits. Et il se faut se battre pour que les traitements, médicamenteux ou non, aient pour seul objectif de diminuer la souffrance des patients.

Ce qui frappe aussi dans le rapport, c’est la soumission psychologique de bon nombre de patients, comme résignés à leur enfermement. Questionnés sur leur souhait de « voir élargir leurs possibilités de circulation », beaucoup ont répondu « je ne sais pas », « je n’ai pas le droit », « ce n’est pas moi qui décide »…

B.B. : Cela reflète le poids de la toute-puissance médicale. Dans certains endroits, ce discours a une telle force que les patients sont complètement soumis à l’autorité médicale. Ils trouvent normal que ce soit le médecin qui décide pour eux parce que durant toute leur vie, c’est toujours le médecin qui a décidé pour eux. Et parfois, on transforme ainsi en « enfants » des adultes qui sont juste des gens en grande souffrance.

Avec ce rapport, on va encore dresser un tableau très noir de la psychiatrie…

B.B. : Surtout pas. Il faut dénoncer les excès, les abus car ils existent. Mais en 2015, nous avons procédé à un recueil des bonnes pratiques en France. Et nous avons recueilli de très nombreux exemples d’établissements et d’équipes qui font un travail extraordinaire.

Recueilli par Pierre Bienvault

Il ne fait pas bon être en HP dans l’Ain

L’Obs

Le Contrôleur des lieux de privation de liberté s’émeut des conditions de prises en charge dans le seul centre psychothérapique du département.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté s’est ému, ce mercredi 16 mars, des conditions de prise en charge dans le centre psychothérapique de Bourg-en-Bresse. Dans ce seul centre de soins psychiatriques de l’Ain, qui peut accueillir 393 adultes et 19 enfants et adolescents, les conditions de vie des patients peuvent évoquer le film « Vol au-dessus d’un nid de coucou ».

Dans une recommandation publiée (fait rare, en urgence) au « Journal officiel », le Contrôleur des lieux de privation de liberté a dénoncé des « conditions de prise en charge portant des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées dans cet établissement ».

Ses contrôleurs ont en effet constaté « une pratique de maîtrise et de contrôle des faits et gestes des patients appliquée avec une rigueur exceptionnelle ». Concrètement, les patients n’ont pas le droit de posséder des effets personnels (livre, lecteur de musique…), de communiquer avec l’extérieur, ou même de sortir de l’unité de soin. L’accès aux cours intérieures ou au parc de l’hôpital sont ainsi soumis à autorisation médicale et restreint uniquement à certaines heures de la journée, même pour les patients hospitalisés sur leur consentement.

Cette liberté d’aller et venir s’avère encore plus limitée dans les unités de « soins de suite », soit les hospitalisations sur une plus longue durée. Les patients n’ont alors accès à la cour que « deux fois une demi-heure par jour » (pour certains, uniquement accompagnés d’un soignant). Il est également interdit de fumer plus de quatre cigarettes par jour, les placards des chambres sont fermés à clé par les soignants restreignant l’accès aux affaires personnelles. Pis, il est décidé pour certains patients le maintien dans leur chambre fermée jour et nuit, et l’établissement a fréquemment recours à la contention.

Attaché au lit jusqu’à 23 heures par jour

Le Contrôleur note d’ailleurs que le « recours à l’isolement et à la contention [est] utilisé dans des proportions jamais observées jusqu’alors et non conforme aux règles ». Cet isolement consiste à enfermer une personne, en pyjama, dans une pièce nue, équipée d’un simple lit fixé au sol au centre de la pièce. En plus des 25 chambres d’isolement, l’établissement de Bourg-en-Bresse s’est doté d’une unité pour malades agités et perturbateurs (UMAP) de 21 chambres sur le même modèle : un espace nu, équipé d’un lit central fixé au sol et permettant la contention, d’un lavabo et d’un WC.

Dans l’ensemble de ces chambres, aucun espace n’est à l’abri du regard extérieur et les douches ne disposent ni de porte, ni de rideau. En sus, aucune chambre ne dispose de bouton d’appel.

« L’utilisation des chambres d’isolement est constante dans les unités de ‘soins de suite’, certains patients y étant à demeure », dénonce-t-il. « Le recours à la contention, dont l’usage doit pourtant rester exceptionnel, est tout aussi généralisé : certains jours, 35 patients sont contenus sur un lit. »

Placés en chambre d’isolement, les patients sont enfermés souvent plus de 20 heures par jour, et cet enfermement peut être prolongé pendant plusieurs mois. Une contention au lit ou à un fauteuil peut s’ajouter, pour des durées allant jusqu’à 23 heures par jour. Ces chambres seraient même « parfois utilisées à des fins disciplinaires ».

Le Contrôleur note que sur l’ensemble des 46 chambres d’isolement, une minorité sont équipées d’un bouton d’appel, et beaucoup de ceux-ci ne fonctionnent pas. Les patients alors enfermés ne peuvent faire appel aux soignants qu’en tapant à la porte ou en criant. Et, ceux qui sont attachés, n’ont d’autre choix que d’attendre le passage infirmier pour obtenir à boire ou pour demander le bassin.

« Un traitement inhumain et dégradant »

Le Contrôleur des lieux de privation de liberté conclut qu' »aucune spécificité de la population accueillie n’explique et encore moins ne justifie le recours à l’isolement et à la contention dans les proportions observées dans cet établissement ». Il ajoute :

« La nature et le systématisme des limites apportées aux droits des patients à leur liberté d’aller et venir, les conditions d’enfermement de beaucoup d’entre eux portent une atteinte grave aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées. Les conditions dans lesquelles les patients sont placés à l’isolement, enfermés, sous contention pour des durées particulièrement longues, pouvant atteindre des mois, voire des années, constituent, à l’évidence, un traitement inhumain et dégradant. »

Le Code de la santé publique prévoit que « lorsqu’une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée, les restrictions à l’exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en œuvre de son traitement ». Toutefois, « en toutes circonstances, la dignité de la personne hospitalisée doit être respectée et sa réinsertion recherchée ». Et, « en tout état de cause, elle dispose du droit :

  • De communiquer avec les autorités ;
  • De prendre conseil d’un médecin ou d’un avocat de son choix ;
  • D’émettre ou de recevoir des courriers ;
  • De consulter le règlement intérieur de l’établissement et de recevoir les explications qui s’y rapportent ;
  • D’exercer son droit de vote ;
  • De se livrer aux activités religieuses ou philosophiques de son choix. »

B.M.

 

Recommandations en urgence du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 8 février 2016 relatives au centre psychothérapique de l’Ain (Bourg-en-Bresse)

JORF n°0064 du 16 mars 2016

 

L’article 9 alinéa 2 de la loi du 30 octobre 2007 permet au Contrôleur général des lieux de privation de liberté, lorsqu’il constate une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté, de saisir les autorités compétentes de ses observations en leur demandant d’y répondre. Postérieurement à la réponse obtenue, il constate s’il a été mis fin à la violation signalée ; il peut rendre publiques ses observations et les réponses obtenues.

Lors de la visite du centre psychothérapique de l’Ain, du 11 au 15 janvier 2016, les contrôleurs ont fait le constat de situations individuelles et de conditions de prise en charge portant des atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées dans cet établissement, constat qui conduit la Contrôleure générale à mettre en oeuvre cette procédure d’urgence.

Le centre psychothérapique de l’Ain (CPA), implanté en périphérie de Bourg-en-Bresse dans un vaste parc, est le seul établissement de soins psychiatriques du département. Il dispose d’une capacité d’accueil en hospitalisation complète de 412 lits, 393 pour adultes et 19 pour enfants et adolescents.

En 2010, l’établissement a fait le choix de redécouper les secteurs de psychiatrie générale et de mettre en place, pour les adultes, des dispositifs transversaux non sectorisés.

Six unités de secteur ont vocation à accueillir les patients adultes pour des hospitalisations en principe de courte durée ; le secteur de psychiatrie infanto-juvénile dispose d’une unité pour adolescents de sept lits et d’une unité pour enfants de douze lits.

Par ailleurs, les dispositifs transversaux comprennent notamment :

– trois unités, de « soins de suite » comptant 87 lits au total, destinées à recevoir des patients dits de « longue évolution » pour la plupart non stabilisés ;

– une unité pour malades gravement déficitaires de 31 lits, accueillant des patients souffrant de « psychose déficitaire grave », avec des troubles du comportement importants et qui nécessitent une assistance et/ou une surveillance dans tous les actes la vie quotidienne ;

– deux unités pour personnes âgées de 20 lits chacune ;

– une unité ouverte d’hospitalisation de court séjour.

Les contrôleurs ont constaté que les conditions hôtelières d’hébergement sont, dans l’ensemble, satisfaisantes. La plupart des chambres sont individuelles. Elles sont équipées de sanitaires et, comme les locaux collectifs, elles sont propres et bien entretenues. Un programme de construction de bâtiments destinés à accueillir les unités installées dans les locaux les plus vétustes est en cours de réalisation ; le déménagement des unités concernées devrait être achevé en 2017. De même il a été fait état d’un projet de nouveaux locaux pour le service de pédopsychiatrie.

Au cours de la visite, un certain nombre de violations graves des droits fondamentaux des patients hospitalisés a été constaté par les contrôleurs :

 

  1. Une pratique de maîtrise et de contrôle des faits et gestes des patients d’autant plus singulière qu’elle est appliquée avec une rigueur exceptionnelle.

Cette pratique se traduit tant dans l’organisation matérielle de la prise en charge que dans la dispensation des soins. Un « cadre de soins », arrêté par un médecin pour chaque patient, rend compte de ce fonctionnement ; il est formalisé pour chacun par un document standardisé intitulé « prescription de restriction de liberté d’aller et venir ». Ces restrictions portent sur l’utilisation des objets et des effets personnels, la communication avec l’extérieur et les sorties de l’unité.

Toutes les unités sont fermées (1). Elles ont toutes une cour intérieure close qui n’est accessible qu’à certaines heures de la journée et seulement à certains patients, en fonction de l’autorisation médicale. L’accès au parc de l’hôpital est encore plus restreint. Ce régime s’applique à tous les patients, y compris ceux hospitalisés en soins libres.

 

  1. Une restriction à la liberté de circuler encore plus prononcée dans les unités de « soins de suite ».

Les limitations à la liberté d’aller et venir des patients imprègnent le fonctionnement des unités de « soins de suite » ; ces limitations sont d’autant plus durables pour chacun que, dans ces unités, la brièveté et le caractère épisodique de la présence médicale ne permettent pas de les réévaluer autant que de besoin. Ainsi, les contrôleurs ont constaté :

– un accès à la cour intérieure limité, pour la majorité des patients, à deux fois une demi-heure par jour. Dans l’une de ces unités, cette durée est réduite de moitié pour ceux des patients qui ne sont autorisés à sortir qu’accompagnés d’un soignant

 

– l’interdiction de fumer plus de quatre cigarettes par jour ; – des placards fermés à clé dans les chambres sans que les patients n’en détiennent la clé et un accès aux affaires personnelles restreint, nécessitant l’intervention des soignants conformément à la prescription médicale ; – la pratique habituelle du maintien de certains patients dans leur chambre fermée jour et nuit ;

– le recours fréquent à la contention ;

– des « prescriptions » médicales d’enfermement et de contention particulièrement attentatoires aux droits fondamentaux, renouvelées pendant plusieurs mois et, dans certains cas, sans examen systématique du patient

La majorité des patients s’ennuie. Seule la moitié d’entre eux a accès à quelques heures d’activités thérapeutiques hebdomadaires à l’extérieur de l’unité. Si l’une de ces trois unités propose deux heures d’activités quotidiennes auxquelles peuvent participer un maximum de cinq patients, une autre n’en organise que deux heures par semaine.

Les équipes de soins – constituées en grande partie de jeunes diplômés – se montrent, dans l’ensemble, attentives aux patients, mais, bien que volontaires, elles sont démunies et constatent que la faiblesse de la présence médicale alimente la logique d’enfermement : « En termes de présence médicale, on est abandonné de l’institution. On aimerait faire bouger les choses mais on n’a pas forcément les moyens pour le faire ». Les contrôleurs ont constaté pour de nombreux patients une absence de projet de soins individualisé qui s’apparente à de l’abstention thérapeutique.

  1. Un recours à l’isolement et à la contention utilisé dans des proportions jamais observées jusqu’alors et non conforme aux règles communément appliquées.

Il convient ici de rappeler que la mise en chambre d’isolement est une pratique médicale réservée en dernier recours aux situations de crise, visant à obtenir un apaisement du malade en le soustrayant aux stimulations sensorielles. Elle consiste à enfermer une personne, en pyjama, dans une pièce nue, équipée d’un simple lit fixé au sol au centre de la pièce. Le placement doit se faire sur prescription médicale après un examen minutieux du patient afin de le réserver aux situations qui ne peuvent être traitées autrement. Sa durée doit être brève et ne saurait excéder le temps de la crise. L’isolement initial et chaque renouvellement éventuel sont prescrits pour une période maximale de vingt-quatre heures et après examen médical du patient (2). Dans des cas qui doivent rester exceptionnels et uniquement le temps de permettre à un traitement sédatif de faire effet, une contention peut être prescrite (immobilisation sur le lit à l’aide de lanières attachées à chaque membre et au niveau du bassin). Ces pratiques, qui renforcent l’image d’une dangerosité des malades mentaux, ne doivent jamais occulter le fait que ceux-ci sont, avant tout, des personnes en grande souffrance.

Les contrôleurs ont constaté au CPA un recours à l’isolement et à la contention dans des proportions qu’ils n’ont observées dans aucun autre établissement visité. Toutes ses unités d’hospitalisation sont équipées de deux chambres d’isolement, à l’exception de celle pour adolescent et de celle pour psychotiques déficitaires graves qui n’en comportent qu’une et de celle de court séjour, ouverte, qui n’en comporte pas.

Outre les vingt-cinq chambres d’isolement ainsi disponibles, l’établissement s’est doté d’une unité pour malades agités et perturbateurs (UMAP) de vingt et une chambres, toutes sur le même modèle : un espace nu, équipé, pour seul mobilier, d’un lit central fixé au sol et permettant la contention, d’un lavabo et d’un WC. Toutes ces chambres disposent de deux portes d’accès. Aucun espace n’est à l’abri du regard extérieur. Les douches, une pour deux chambres, sont des cabines sans porte ni rideau, imposant aux patients de se laver sous la surveillance directe des soignants. Aucune chambre ne dispose de bouton d’appel. Cette unité, destinée en principe au traitement de la crise, accueillait lors de la visite, dix patients au long cours dont trois étaient présents depuis la date de son ouverture en 2010. Il a été également constaté que cette unité est parfois utilisée à des fins disciplinaires.

Pour une capacité de 412 lits, l’établissement compte quarante-six chambres d’isolement dont l’utilisation se révèle remarquablement importante. Selon les données recueillies (3), en moyenne plus de trente-cinq chambres d’isolement sont occupées chaque jour, ce qui représente plus de 13 000 journées passées en chambre d’isolement dans l’année. L’utilisation des chambres d’isolement est constante dans les unités de « soins de suite », certains patients y étant à demeure. Le recours à la contention, dont l’usage doit pourtant rester exceptionnel, est tout aussi généralisé : certains jours, trente-cinq patients sont contenus sur un lit. Ainsi, dans l’une de ces unités, une personne est isolée, attachée, depuis une date indéterminée, chacun des soignants, dont certains sont en poste dans l’unité depuis plusieurs années, interrogés sur le début de cette mesure, a répondu n’avoir jamais vu cette personne ailleurs que dans la chambre d’isolement.

Outre les patients placés en chambre d’isolement, de nombreux patients hospitalisés dans les unités de « soins de suite » sont enfermés dans des chambres ordinaires. Les contrôleurs ont constaté que cet enfermement, qui dépasse souvent vingt heures par jour, pouvait être prolongé pendant plusieurs mois. Il peut s’y ajouter une contention au lit ou au fauteuil jusqu’à vingt-trois heures par jour, pour certains patients pendant des mois également, voire des années. Ainsi, pendant la visite des contrôleurs, plus de la moitié des patients d’une des trois unités de « soins de suite » étaient enfermés en chambre d’isolement ou en chambre ordinaire.

Sur l’ensemble des quarante-six chambres d’isolement de l’établissement, une minorité sont équipées d’un bouton d’appel, dont beaucoup ne fonctionnent pas. Les patients enfermés ne disposent d’autre moyen pour faire appel aux soignants que de taper à la porte ou de crier. Ceux qui sont attachés n’ont d’autre choix que d’attendre le passage infirmier pour obtenir à boire ou pour demander le bassin.

Le fonctionnement de l’unité pour malades agités et perturbateurs est particulièrement strict : le port du pyjama y est obligatoire pendant toute la durée du séjour, le tabac y est totalement proscrit, il est interdit aux patients de conserver dans leur chambre leurs affaires personnelles. Dans le meilleur des cas, les patients ne sont enfermés que dix-neuf heures par jour dans leur chambre. L’accès à la courette intérieure se fait obligatoirement accompagné d’un soignant ; certains patients peuvent être autorisés à lire ou à écrire dans leur chambre mais il leur est interdit de posséder un lecteur de musique. Pour les patients autorisés à sortir de leur chambre, les seules activités possibles sont de participer à des jeux de société, écouter la radio et regarder la télévision ; parmi eux, quelques-uns peuvent parfois se rendre à la cafétéria de l’hôpital, accompagnés de deux soignants ; seule une femme hospitalisée au très long cours a la permission de se rendre de temps à autre à des activités thérapeutiques communes au dispositif de suite. Certains malades sont sous contention la nuit, d’autres, en permanence. Une jeune femme, présente depuis un an, était constamment sous contention des quatre membres, le lien posé sur l’un des deux bras était ajusté de façon à lui permettre de reposer le bassin au sol sans l’aide d’un soignant. Elle a précisé qu’elle était autorisée à retourner chez elle un week-end sur deux, ce qui lui permettait de se rendre chez le coiffeur ou au restaurant.

 

Les personnes détenues nécessitant des soins sont systématiquement hospitalisées dans cette unité. Elles font l’objet d’un traitement spécifique, indépendamment de leur état clinique : mise sous contention systématique jusqu’au premier entretien avec un psychiatre, examen médical somatique incluant l’inspection des parties génitales à des fins de sécurité et pratiqué sur le patient attaché.

Dans certaines unités, les patients à l’isolement ne sont pas vus par un médecin le week-end ; dans les unités de « soins de suite », au lieu d’être renouvelées quotidiennement, les prescriptions d’isolement sont faites pour sept jours et sans que le patient soit systématiquement examiné.

  1. Des pratiques inhabituelles qui rencontrent une résignation préoccupante tant de la communauté soignante que des patients.

Les contrôleurs ont constaté que de nombreux patients s’étaient résignés à leur enfermement, convaincus par le discours médical qu’il était le seul moyen de les apaiser. Questionnés sur leur souhait de voir élargir leurs possibilités de circulation, beaucoup ont répondu « je ne sais pas », « je n’ai pas le droit », « ce n’est pas moi qui décide ». Cette soumission remarquable apparaît comme très préoccupante et ne témoigne nullement de la situation de crise qui justifie leur enfermement. L’extrême réserve avec laquelle les personnes rencontrées, patients comme soignants, se sont exprimées sur les pratiques locales de contention et d’isolement est tout aussi troublante, témoignant de la difficulté d’envisager différemment le soin.

Aucune spécificité de la population accueillie par le CPA n’explique et encore moins ne justifie le recours à l’isolement et à la contention dans les proportions observées dans cet établissement. La nature et le systématisme des limites apportées aux droits des patients à leur liberté d’aller et venir, les conditions d’enfermement de beaucoup d’entre eux portent une atteinte grave aux droits fondamentaux des personnes hospitalisées. Les conditions dans lesquelles les patients sont placés à l’isolement, enfermés, sous contention pour des durées particulièrement longues, pouvant atteindre des mois, voire des années, constituent, à l’évidence, un traitement inhumain et dégradant.

Ces différents constats conduisent le contrôleur général à formuler les recommandations suivantes :

  1. ériger en règle la libre circulation dans l’établissement, toute restriction de la liberté d’aller et venir devant être expressément motivée par l’état clinique du patient ;
  2. mettre fin immédiatement à l’enfermement en chambre ordinaire ;
  3. mettre sans délai un terme à la pratique excessive, tant dans la durée que dans l’intensité, de l’enfermement en chambre d’isolement et de la contention ;
  4. mettre fin immédiatement aux prescriptions et décisions médicales effectuées sans examen préalable du patient ;
  5. assurer une présence médicale quotidienne et d’une durée suffisante dans toutes les unités ;
  6. évaluer avec l’aide d’intervenants extérieurs l’état clinique et les modalités de prise en charge de tous les patients présents dans les unités de « soins de suite » et à l’unité pour malades agités et perturbateurs afin d’élaborer pour ces patients un projet de soins et de vie ;
  7. renforcer dans des délais très courts les activités thérapeutiques dans et hors les unités afin d’en faire bénéficier le plus grand nombre de patients ;
  8. former l’ensemble du personnel à la prévention et la gestion des situations de crise.

(1) A l’exception de l’unité pour adolescents (sept lits) et de celle de court séjour (douze lits).

(2) Selon les règles communément admises actuellement, en particulier le guide élaboré par la Haute Autorité de santé en 1998.

Il convient par ailleurs de préciser que la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a introduit dans le code de la santé publique un article L. 3222-5-1 qui dispose que l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours, qui doivent faire l’objet d’une traçabilité, et qu’il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée.

(3) Fiches quotidiennes des disponibilités en lits dont chambres d’isolement, fournies par le CPA.

Autisme

Inspection des hôpitaux de jour enfants

Madame la Ministre de la santé

Ministère des affaires sociales et de la santé

14 avenue Duquesne
75350 Paris 07 SP

 

Hénin-Beaumont, le 7 mars 2016

 

 

Madame la Ministre,

 

La DGOS vient d’annoncer à certaines organisations qu’elle chargeait les ARS d’inspecter les Hôpitaux de Jour de psychiatrie infanto-juvénile pour y vérifier le respect des recommandations de bonnes pratiques (RBP) dans le cadre du 3e plan autisme.

Si le Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux reconnaît qu’il est légitime de se soucier de la qualité générale des prises en charge et du bon usage des fonds publics, il est cependant profondément surpris par la forme donnée à cette vérification.

– Les Hôpitaux de jour sont déjà engagés dans les démarches réglementaires de certification et d’évaluation, tandis que leurs équipes sont investies dans la formation continue et le dispositif de DPC.

Qu’est-ce que ce circuit supplémentaire de vérification est donc supposé apporter, sauf à remettre en cause dans leur ensemble les dispositifs nationaux de formation et de contrôle des professionnels?

– Une prise en charge en psychiatrie infanto-juvénile qui associe toujours soins, éducation et pédagogie, nécessite un jugement clinique fondé sur des compétences professionnelles acquises par l’expérience et l’approfondissement des connaissances de la discipline. La pédopsychiatrie fait appel en outre à une pluralité de références auxquelles la plupart des équipes se sont formées. Si les outils standardisés font bien partie de la formation actuelle en pédopsychiatrie, ils ne sauraient cependant remplacer le jugement clinique qu’ils ne font que compléter.

Les inspecteurs des ARS auront-ils les compétences pour juger de la validité du jugement clinique à l’appui des pratiques examinées?

– Depuis 2012, les professionnels alertent sur les risques de tirer des conclusions simplificatrices des RBP sur lesquelles ont été émises des réserves. Aux dires mêmes de la HAS, aucune méthode n’a fait complètement la preuve de son efficacité. Cette seule question des méthodes a ainsi réduit les débats de manière stérile.

Comment une inspection de l’ARS saura-t-elle éviter de tomber dans cette réduction et échapper aux mêmes conclusions hâtives faites par certains ?

– Les associations scientifiques ne cessent de rappeler depuis 2012 que les troubles du spectre autistique, spectre très large, ne peuvent être traités de manière univoque. Les hôpitaux de jour s’occupent habituellement des enfants avec les troubles les plus complexes, qui nécessitent, plus que d’autres, des projets finement individualisés.

Par quels moyens les inspecteurs des ARS seront-ils en mesure d’apprécier l’approche de la complexité des troubles présentés et l’appréhension de l’enfant par les soignants dans sa singularité ?

– La mise en œuvre des projets est conditionnée par les moyens mis à la disposition des équipes. Certaines professions comme les orthophonistes, sont dans une démographie sinistrée car le statut défavorable offert par l’hôpital Public n’en permet plus le recrutement.

Comment ces données sur les pénuries de moyens seront-elles prises en compte dans les inspections? Comment la DGOS peut-elle demander aux services sanitaires de faire plus avec autant, et ce sans pénaliser tous les autres enfants soignés en psychiatrie infanto-juvénile, enfants qui peuvent présenter des troubles graves mais qu’aucun lobby ne défend ? L’orientation des moyens vers une catégorie de patients crée une perte de chance pour tous les autres.

– Dans la forme choisie, cette inspection est une démarche de contrôle sans partage ni échange préalables sur les objectifs. Et dans le domaine des soins, le contrôle ne peut se réaliser que par comparaison à des preuves scientifiques ou des données probantes vis à vis de procédures diagnostiques ou thérapeutiques, en lien avec une organisation aux moyens validés.

L’inspection est donc une mesure d’exception.

Dans ce cadre, s’il n’existe pas de données scientifiques irréfutables ou au moins de vérité consensuelle, les conclusions d’une telle démarche ne sauraient être opposables, sauf pour des raisons idéologiques voire politiques. En effet, quelles sont les conséquences prévues si un écart est estimé entre les pratiques constatées et les critères érigés à tort comme règles à suivre? Un climat de suspicion des tutelles pour la psychiatrie infanto-juvénile serait-il à l’origine de cette démarche exceptionnelle ?

La conséquence immédiate ne peut être qu’un risque de disqualification de la psychiatrie infanto-juvénile et de ses équipes, qui consacrent pourtant leurs efforts à se coordonner avec les familles et avec leurs partenaires de l’Education Nationale et du médico-social pour l’accueil des enfants porteurs de TSA. Et cela dans un contexte d’offre globale déjà insuffisante.

En choisissant d’inspecter les hôpitaux de jour de psychiatrie infanto juvénile publique , privée des moyens à la hauteur des exigences pour la prise en charge des enfants avec TSA, par surprise et sur des critères non scientifiques et non consensuels, les services du ministère ne servent-ils pas une disqualification programmée de la discipline ?

A terme, ces enfants doivent-ils être écartés du soin, dans un renoncement à la dynamique psychique qui permettra plus aisément le glissement des fonds vers le médico-social?

Les secteurs de psychiatrie infanto-juvénile seront-ils destinés à n’être que des producteurs de diagnostics sans exercice soignant ?

Il est indispensable que les objectifs réels de ces inspections soient exposés aux professionnels dont les lieux d’accueils et de soins vont être examinés.

Le SPH demande une concertation urgente avec les instances représentatives de la Psychiatrie Infanto-Juvénile avant la mise en œuvre de cette inspection douteuse.

 

Dans l’attente, veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre considération.

 

Dr Marc Bétrémieux, président du SPH

Dr Isabelle Montet, secrétaire générale du SPH

 

 

Double :

  1. Debeaupuis

Directeur général

Direction générale de l’offre de soins

Divers

L’expérimentation institutionnelle d’ABA en France : une sévère désillusion

par J-C Maleval et M. Grollier [1].

Vingt-huit structures expérimentales ont été créées en France en prenant appui sur une circulaire du 5 janvier 2010 de la Direction Générale de l’Action Sociale afin de mettre en œuvre la mesure 29 du plan Autisme 2008-2010 : « Promouvoir une expérimentation encadrée et évaluée de nouveaux modèles d’accompagnement ». Les 28 institutions ont disposé pendant plusieurs années de moyens financiers et humains considérables dans le but d’établir pour l’essentiel la pertinence d’un seul nouveau modèle d’accompagnement des autistes : la méthode ABA [2].

Un tel privilège donné à cette approche devrait surprendre : elle est certes recommandée en 2013 par le 3e plan Autisme, mais non validée scientifiquement, et sujette à de nombreuses critiques, notamment sur le plan éthique. Deux autres méthodes sont aussi recommandées (TEACCH et Denver), lesquelles, certes, ne son pas plus validées, mais dont chacun s’accorde à considérer qu’elles sont moins intrusives pour l’enfant autiste. On sait qu’Autisme France, soutenu par un groupe parlementaire influent, a fait de la promotion de la méthode ABA un cheval de bataille de sa croisade contre la psychanalyse. La création de 28 structures toutes consacrées à l’expérimentation de l’ABA donne la mesure de l’écho de leur lobbying auprès des pouvoirs publics. Le 3e plan autisme indique que ces institutions expérimentales ont créées « à la demande des familles » [3], omettant de préciser « celles qui adhèrent aux thèses d’Autisme France », et non celles qui œuvrent dans le RAAHP à un « Rassemblement pour une approche des Autismes Humaniste et plurielle ».

Les résultats d’une expérimentation de la méthode ABA faite dans les meilleures conditions pendant une période d’environ cinq ans et dans 28 établissements, portant sur 578 enfants autistes, prennent dans ce contexte une particulière importance. Vont-ils confirmer l’étonnante statistique obtenue lors de la première expérimentation de la méthode ABA par Lovaas et son équipe, à savoir le chiffre sans cesse avancé de 47 % des enfants qui ont « atteint un développement intellectuel normal et un fonctionnement éducatif normal, avec un QI normal et une fréquentation normale des écoles primaires publiques » [4]. Les études postérieures furent nombreuses à mettre en doute la validité de ce résultat. Une recherche fouillée sur cette question, publiée en 2004, aux Etats-Unis, par V. Shea, conclut : « Il est temps pour les partisans de la méthode et les professionnels d’arrêter de citer le chiffre de 47%, ainsi que les concepts tels que « développement normal », enfants « impossibles à distinguer des enfants de leur âge au développement normal, et le fait d’avoir été « guéris » de l’autisme. Les résultats rapportés de la recherche initiale ne sont pas en accord avec de telles interprétations : de plus, d’autres études, effectuées au cours des trois décennies qui se sont écoulées depuis le début de cette recherche, mettent systématiquement en évidence des taux de réussite (selon les critères de l’étude d’origine) qui sont significativement inférieurs à 47% » [5]. Une recherche plus récente, effectuée par V. Cruveiller, en 2012, confirme que « les réserves émises par V. Shea (2004) demeurent valides. Les données actuellement disponibles restent insuffisantes pour confirmer scientifiquement l’indication d’une prise en charge comportementale intensive chez les enfants avec autisme » [6]. La Haute Autorité de Santé elle-même en 2013 considère qu’il n’existe qu’une « présomption » scientifique d’efficacité concernant la méthode ABA.

En février 2015, la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) rend publique une « Evaluation nationale des structures expérimentales Autisme ». Elle a été réalisée par des organismes indépendants : les cabinets Cekoïa conseil et Planète Publique. Le rapport final constate que « les 28 structures expérimentales se caractérisent par l’application de techniques psycho-éducatives de type comportementaliste ABA. Ces techniques impliquent des taux d’encadrement et une intensité d’accompagnement élevés qui eux-mêmes impliquent des coûts globalement plus élevés que pour des structures traditionnelles du secteur médico-social. Un des objectifs de ces expérimentations est d’identifier si un accompagnement intensif (tant au niveau du nombre d’heures que du taux d’encadrement) peut permettre de réaliser des progrès plus rapidement que dans une structure classique. Ces progrès doivent permettre une sortie plus rapide du secteur médico-social vers le milieu ordinaire et a minima une amélioration des capacités des enfants, qui est logiquement favorable à un accompagnement futur allégé ». Une des principales questions auxquelles il est demandé aux évaluateurs de répondre est celle-ci : « le surcoût du fonctionnement des structures expérimentales » permet-il l’obtention de meilleurs résultats pour le devenir des enfants autistes ? [7]

{{}}Afin de respecter le taux d’encadrement, un professionnel pour un enfant, nécessaire à une bonne application de la méthode ABA, le surcoût s’avère en effet important : « 64 000 € /an la place en moyenne contre 14000€ pour les SESSAD [8] tous types de SESSAD confondus, 32000 € pour les IME autisme sans places d’internat et 47000€ pour les IME autisme avec ou sans places d’internat » [9]. Grâce à ce financement généreux : « le taux d’encadrement par structure expérimentale, écrivent les rapporteurs, varie de 0,28 ETP pour 1 enfant à 2,36 ETP pour 1 enfant. En moyenne, le taux d’encadrement global (toutes catégories de personnel confondues) est de 1,29 ETP pour 1 enfant. A titre d’information, en 2012, au niveau national, pour les structures du secteur médico-social non expérimentales, le taux d’encadrement moyen était de 0,27 ETP pour 1 enfant au sein des SESSAD et de 0,76 ETP pour 1 enfant au sein des IME autismes » [10]. Une des conditions majeures du fonctionnement de la méthode ABA est respectée puisque le taux d’encadrement par du personnel en situation directe d’accompagnement (toutes structures expérimentales confondues) est de 1,03 ETP [11] par enfant [12]. L’autiste dans de telles structures n’est jamais seul : il est en permanence pris en charge par un professionnel. Le nombre d’heures d’accompagnement hebdomadaire moyen par enfant est de 26 heures.

Les conditions de travail sont apparemment très favorables : un petit groupe d’autistes (16 en moyenne), des enfants jeunes (âge moyen : 8,5 ans), des profils variés, une co-construction du projet avec des parents impliqués, et des équipes composées de professionnels et de parents soudées par un même militantisme en faveur de la méthode ABA. « Un certain nombre d’associations gestionnaires et de structures, constate le rapport, affichent l’objectif de diffuser et de faire reconnaître les méthodes comportementales comme faisant partie de leurs priorités – voire l’ont inscrit dans leur projet d’établissement ou dans leur activité » [13]. Il précise que « les professionnels (psychologues et éducateurs) maitrisent essentiellement la méthode ABA, et les éducateurs sont parfois invités à « désapprendre » les autres approches d’accompagnement de l’autisme à leur arrivée dans la structure (en particulier les approches liées à la méthode psychanalytique » [14].

Dans certaines institutions pilotes ce militantisme a engendré quelques difficultés « pour recruter un psychiatre ou un pédopsychiatre qui accepte de réaliser des vacations au sein d’une structure qui applique des méthodes comportementales » [15]. De manière générale les médecins y sont peu présents. Ce qui n’apparaît guère contrarier les intervenants. En revanche une préoccupation étonnante s’impose eu égard à la bonne qualité apparente des conditions de travail : « des problèmes de turn-over, à tous les niveaux hiérarchiques et particulièrement au niveau du personnel éducatif » [16]. Pour ces derniers, observent les rapporteurs, le caractère exigeant de leur fonction peut s’expliquer par plusieurs facteurs, au premier rang desquels ils mettent, sans doute avec pertinence, « les méthodes d’accompagnement intensives » et « les tâches répétitives liées à la mise en œuvre des protocoles ABA » [17]. Plusieurs structures ont dès lors fait le choix de ne pas recruter d’éducateurs spécialisés « pour les tâches d’exécution » mais des profils moins diplômés. Rappelons le constat de M. Dawson, une autiste canadienne de haut niveau : « les terribles souffrances des premières semaines d’ABA ne sont pas dues à l’extraction hors de nos supposés mondes privés. Il est plus plausible que les pleurs, les cris perçants, et les fuites soient ceux du soulèvement d’un enfant qui est forcé de manière répétitive à abandonner ses points forts » [18]. Il est très probable que le turn-over des éducateurs résulte de la confrontation répétée aux souffrances de l’enfant suscitées par la rigidité des protocoles. La méthode ABA faisant l’impasse sur la vie psychique, pour ne vouloir connaître que les comportements, ne fait pas bon ménage avec des professionnels qualifiés : elle se satisfait de peu de médecins, de peu de pédopsychiatres, de peu d’éducateurs spécialisés, et de psychologues ne connaissant qu’une seule méthode.

Les auteurs du rapport ne sauraient être suspectés d’avoir une approche critique à l’égard des 28 structures expérimentales. Bien au contraire, ils adhèrent parfois trop aisément au discours qui s’y trouve tenu. « Pour plusieurs structures, écrivent-ils, les relations avec les équipes hospitalières et notamment la pédopsychiatrie sont compliquées du fait d’une méconnaissance, voire parfois d’un rejet, de la part de ce secteur et notamment des pédopsychiatres, des méthodes comportementales utilisées dans les structures » [19]. Ce n’est certainement pas par « méconnaissance » que la plupart des associations représentatives de la psychiatrie française se sont élevées contre les recommandations du 3e plan autisme favorisant abusivement la méthode ABA. [20] Beaucoup de pédopsychiatres ont eu connaissance du travail de V. Shea, cité plus haut, voire de ceux de Dawson, et de bien d’autres, en revanche les militants d’Autisme France, souvent à l’origine des structures expérimentales, ne souhaitent guère s’informer, répétant sans cesse à tort qu’ABA serait validé scientifiquement.

D’autre part, les évaluateurs se contentent de peu quand il s’agit de mettre en évidence quelques résultats favorables. « Les 28 structures expérimentales, affirment-ils, ont, dans leur grande majorité, des résultats positifs en termes d’intégration dans le milieu ordinaire, d’implication des familles et d’évolution des enfants et des jeunes sur des aspects qui n’étaient pas acquis auparavant (propreté, communication, diminution des comportements-problèmes…). » Comment le savons-nous ? Il s’agit d’un « constat partagé par les professionnels et les familles » [21]. « Toutes les structures, répètent-ils, semblent avoir de bons résultats en termes d’évolution des enfants et des jeunes accompagnés », ils ont cependant l’honnêteté de préciser « même si l’évaluation ne se fonde que sur le point de vue des familles, tout autant satisfaites d’avoir obtenu une place pour leur enfant que de pouvoir bénéficier de ces méthodes, et non sur des travaux de recherches spécifiques » [22]. Que l’auto-évaluation faite par des militants de la méthode ABA soit positive est bien le moins qui soit attendu.

Nul ne doute qu’une prise en charge intensive d’enfants jeunes effectuée pendant plusieurs années parvienne à produire une amélioration des comportements. Cependant les quelques données objectives livrées parcimonieusement par le rapport incitent à en rabattre beaucoup sur la satisfaction des militants ABA. Sans vouloir s’y attarder, les évaluateurs eux-mêmes aboutissent à un constat d’échec : « malgré les progrès individuels constatés pour une grande majorité d’enfants et de jeunes, le nombre de sorties est resté très limité sur la période, alors même que ce modèle d’intervention ne peut être tenable financièrement que si l’accompagnement intensif pour un même enfant est limité dans le temps (logique de parcours). » [23] Dès lors leur conclusion est nette : « cette solution est certes intéressante en termes de niveau individuel de prestation, mais n’est tout simplement pas tenable financièrement » [24]. La production de sorties des enfants de la prise en charge institutionnelle n’est pas suffisante pour que le modèle génère un ratio coût-résultat qui soit positif. En considérant les données dont les évaluateurs disposent, affirmer que cette solution est « intéressante » apparaît même abusif : une telle appréciation ne saurait valoir qu’à se satisfaire de l’auto-évaluation militante.

Rappelons que le critère qui a permis à Lovaas d‘objectiver 47% de résultats positifs est celui d’une « fréquentation normale des écoles primaires publiques » par des enfants « « impossibles à distinguer des enfants de leur âge au développement normal ». Parmi les dix-neuf enfants, l’un des neuf « ayant le mieux évolué » a finalement intégré une filière d’éducation spécialisée, rapporte McEachin [25] en 1993 dans une étude du devenir de ceux-ci, de sorte qu’il ne pouvait plus être considéré comme « se développant normalement ». Or combien des 578 jeunes enfants autistes soumis à la méthode ABA dans les institutions pilotes françaises sont-ils parvenus à « une fréquentation normale des écoles primaires publiques » ? Bien que la circulaire de la DGAS qui a présidé à l’expérience ait fait état d’une attente d’évaluation du nouveau modèle d’accompagnement, les données précises, indépendantes de la subjectivité des participants, restent parcimonieuses. Néanmoins, il semble qu’entre l’expérimentation de Lovaas et celle des structures françaises se révèle quant aux résultats un gouffre abyssal, puisque sur les 578 enfants on constate avec surprise qu’un nombre infime aurait évolué jusqu’à une sortie permettant d’intégrer un circuit scolaire ordinaire. Seuls 19 enfants « sont sortis vers le milieu ordinaire », mais encore faut-il parmi eux retrancher ceux qui sont allés en CLIS [26] et ceux qui ont continué à bénéficier d’une AVS [27] – dont le nombre n’est pas précisé. Les 47% de Lovaas appréciés sur un échantillon beaucoup plus représentatif avoisinent en France les 3% ! Que l’on compare avec les affirmations triomphantes de Leaf et McEachin assurant dans leur best-seller « Autisme et ABA une pédagogie du progrès » : « en 1994, Harris et Handleman ont analysé plusieurs études montrant que 50% des enfants autistes ayant suivi des programmes préscolaires utilisant l’ABA étaient intégrés avec succès dans des classes normales et que nombre d’entre eux ne nécessitaient qu’un suivi très léger » [28].

Bien qu’avares de données chiffrées, les évaluateurs ne manquent pas de constater que « le nombre de sorties […] est relativement faible ». Le taux de rotation parmi les effectifs (nombre de sorties/nombre d’enfants accueillis) s’avère médiocre : en moyenne 18% [29]. Encore faut-il souligner que les sorties ne sont pas toutes des témoignages d’accompagnements réussis. Il est précisé que parmi les 96 enfants qui ont quitté les structures expérimentales depuis leur mise en place « 19 (soit près de 20%) sont sortis vers le milieu ordinaire (y compris CLIS et AVS), 18 vers une structure médico-sociale et 5 sont au domicile sans solution. L’orientation à la sortie n’est pas connue (non renseignée dans les grilles de recueil de données des structures) pour 54 enfants » [30]. Il est fort peu probable que des fiches non renseignées par des professionnels militants cachent des réussites éclatantes. Dès lors les sorties véritablement positives après cinq années d’application de la méthode ABA dans des conditions particulièrement favorables s’avèrent inférieures à 19 sur 578 [31]. Rien à voir avec l’hypothèse de 50% de réussite qui était au principe de la création de ces structures destinées à devenir des « centres experts ».

La pauvreté des résultats rend peut-être compte d’un paradoxe noté par les évaluateurs : l’adhésion sans réserve des parents et des professionnels à la méthode ABA s’accompagne souvent de bien peu d’espoirs en ses pouvoirs. Dans la plupart des institutions pilotes la sortie des enfants n’est guère envisagée. « Environ ¾ des structures, observent-ils, ont une réflexion limitée ou n’ont pas du tout engagé de réflexion sur les modalités de sortie des enfants. Ce constat est particulièrement problématique car il implique que la sortie des enfants et leur orientation vers un autre dispositif en aval de la structure ne sont encore pas suffisamment anticipées et pensées de manière globale. Or, de fait, l’avancée en âge des enfants implique que la question de la sortie de la structure va se poser de plus en plus » [32].

Les diverses structures expérimentales présentent des disparités importantes quant à leur fonctionnement, or les services rendus apparaissent comparables, constat qui a beaucoup questionné les évaluateurs, les professionnels et les parents eux-mêmes [33]. Le rapport en conclut que les « résultats interrogent le rapport coût-efficacité de certaines approches bénéficiant de moyens (en termes de taux d’encadrement, de nombres d’heures d’accompagnement et d’investissement des parents notamment) bien supérieurs aux autres, sans pour autant obtenir des résultats significativement supérieurs en termes de sortie et notamment d’intégration dans le milieu ordinaire » [34]. Quand la méthode ABA est appliquée dans toute sa rigueur, ce qui était plus affirmé dans certaines structures expérimentales, le coût est plus élevé, mais les résultats ne sont pas meilleurs. Plusieurs études antérieures, rapportées par V. Cruveiller, mettaient déjà en évidence ce phénomène. Elles constate, en prenant appui sur celles-ci, que « le nombre d’heures d’intervention pourrait être moins important que le type d’intervention » et que l’efficacité de l’intervention semble dépendre « plus de ses caractéristiques (et avant tout de celles de l’enfant) que du caractère intensif de la prise en charge ». Il s’agirait donc d’aller selon les données les plus récentes « dans le sens d’interventions thérapeutiques moins intensives mais plus homogènes et spécifiques, adaptées aux besoins propres à chaque enfant » [35].

Le rapport constate que prendre un appui exclusif sur la méthode ABA pour l’accompagnement des autistes est une hypothèse qui « n’est tout simplement pas tenable financièrement ». Il préconise cependant d’utiliser les structures expérimentales comme « un accompagnement expert » devant servir auprès des professionnels à la diffusion et au développement des méthodes éducatives, comportementales et développementales [36]. Toutefois il insiste sur la nécessité d’une meilleure prise en compte des structures « de suite ».

En possession des données de ce rapport, foncièrement accablant pour la méthode ABA, bien que restant modéré dans ses conclusions, que faire ? Il est d’abord urgent de reconduire pour cinq ans la plupart des structures expérimentales. Il convient ensuite d’œuvrer à ce qu’elles deviennent des « centres experts » pour assurer une meilleure diffusion des méthodes comportementales. Et surtout il faut continuer à ostraciser les approches psychodynamiques de l’autisme et l’Affinity therapy [37]. Telles sont toujours les orientations actuelles de la politique française de management de l’autisme.

[1] Bien qu’ayant publié de nombreux articles sur l’autisme dans des revues scientifiques, les candidatures des deux auteurs de l’article n’ont pas été retenues pour participer à l’élaboration des recommandations de la Haute Autorité de Santé pour les autistes adultes. La volonté affichée d’ouverture aux diverses approches peut se mesurer à cette aune. De même le RAAHP (Rassemblement pour une approche des Autismes Humaniste et plurielle) n’est toujours pas admis au « Comité national de suivi du 3e plan Autisme » qui oriente la politique de l’autisme en France.

[2] Aplied Behavior Analysis (Analyse appliquée du comportement) élaborée par Lovaas aux Etats-Unis dans les années 1980.

[3] Troisième plan Autisme (2013-2017), p.58. Social-sante.gouv.fr

[4] Lovaas O.I. Behavioral tretment and normal educational and intellectual functioning in young autistic children., Journal of Consulting and Clinical Psychology. 1987, 55, (1), pp. 3-9.

[5] Shea V. A perspective on the research literature related to early intensive behavioral intervention (Lovaas) for young children with autism, in Autism 2004 SAGE Publications and the National Autistic Sociéty, vol 8 (4), 349-367. Traduction française : Shea V. Revue commentée des articles consacrés à la méthode ABA (EIBI : Early Intensive Behavioral Intervention) de Lovaas, appliquée aux jeunes enfants avec autisme, in Psychiatrie de l’enfant, LII, I, 2009, p. 296.

[6] Cruveiller V. Les interventions comportementales intensives et précoces auprès des enfants avec autisme : une revue critique de la littérature récente. Cahiers de Préaut. 2012, 1, p. 107.

[7] Cekoïa Conseil. Planète publique. Evaluation nationale des structures expérimentales Autisme. CNSA. Rapport final. Février 2015, p.7

[8] Service d’éducation spéciale et de soins à domicile.

[9] Cekoïa Conseil. Planète publique. Evaluation nationale des structures expérimentales Autisme, p. 78.

[10] Ibid., p. 28.

[11] ETP : Equivalent Temps Plein.

[12] Ibid., p. 29.

[13] Ibid., p. 45.

[14] Ibid., p. 78.

[15] Ibid., p. 13.

[16] Ibid., p. 17.

[17] Ibid., p. 59.

[18] Dawson M. The misbehavior of behaviorists. Ethical challenges to the autism-ABA industry. [2004] En ligne sur No Autistics Allowed.

[19] Cekoïa Conseil. Planète publique. Evaluation nationale des structures expérimentales Autisme, o.c. p. 63.

[20] Cf Laurent E. La bataille de l’autisme. De la clinique à la politique. Navarin. Champ freudien. 2012, pp. 141-153.

[21] Cekoïa Conseil. Planète publique. Evaluation nationale des structures expérimentales Autisme, o.c., p. 82.

[22] Ibid., p. 85.

[23] Ibid., p. 82.

[24] Ibid., p. 86.

[25] McEachin J.J., Smith T., Lovaas O.I. Long term outcome for children with autism who received early intensive behavioral treatment. American Journal of Mental Retardation, 1993, 97, p. 368.

[26] CLIS : « Classes pour l’inclusion scolaire » destinées aux élèves en situation de handicap.

[27] AVS : « Auxiliaire de vie scolaire » pour élèves en situation de handicap.

[28] Leaf R. McEachin J. Autisme et A.B.A. : une pédagogie du progrès. [1999] Pearson Education. 2006, p. 13.

[29] Cekoïa Conseil. Planète publique. Evaluation nationale des structures expérimentales Autisme, o.c., p. 34.

[30] Cekoïa Conseil. Planète publique. Evaluation nationale des structures expérimentales Autisme, o.c., p. 34.

[31] 482 enfants accueillis au 31 Décembre 2013 plus 96 enfants sortis des structures.

[32] Ibid., p. 66.

[33] Ibid., p. 88.

[34] Ibid., p. 84.

[35] Cruveiller V. Les interventions comportementales intensives et précoces auprès des enfants avec autisme : une revue critique de la littérature récente, o.c., p. 104.

[36] Cekoïa Conseil. Planète publique. Evaluation nationale des structures expérimentales Autisme, o.c.,, p. 86.

[37] Perrin M. (sous la direction de ) Affinity therapy. Nouvelles recherches sur l’autisme. Presses Universitaires de Rennes. 2015.

Œdipe