Société de l'Information Psychiatrique

Soins psychiatriques sans consentement: la moitié des mainlevées dues à l’absence de décision du juge dans les délais

Le 10 janvier 2017 à 16:52

PARIS, 10 janvier 2017 (APM) – La moitié des mainlevées prononcées dans le cadre d’hospitalisations psychiatriques sans consentement sont dues à l’absence de décision du juge des libertés et de la détention (JLD) dans les délais légaux, selon des statistiques du ministère de la justice sur l’année 2015 et 2016, dont l’APM a eu copie.

Une mission a été lancée début janvier à l’Assemblée nationale pour évaluer la loi du 27 septembre 2013 sur les soins sans consentement, menée par le député socialiste Denys Robiliard (Loir-et-Cher), auteur de la loi de septembre 2013 et du rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie rendu public fin 2013, et du député Les Républicains Denis Jacquat (Moselle) (cf APM MH7OJD3NC).

Les statistiques dont l’APM a eu copie ont été diffusées dans le cadre de cette mission.

La direction des affaires civiles et du sceau (DACS) du ministère de la justice y remarque une « augmentation très significative (de plus de 50%) depuis 2012 du nombre de saisines du JLD, en particulier dans le cadre de son contrôle obligatoire périodique des mesures de soins sans consentement en hospitalisation complète ».

Selon elle, cela « démontre que le contrôle du juge en la matière est une réalité pour les personnes qui font l’objet de soins sans consentement ».

Dans les faits, les saisines du JLD sont passées de 70.810 en 2014 à 77.931 en 2015. Parmi ces saisines, 75.451 l’ont été, en 2015, dans le cadre de la demande de contrôle obligatoire périodique de la nécessité d’une hospitalisation complète (67.123 en 2014), et 1.998 dans le cadre d’une demande de mainlevée par le patient « ou toute personne agissant dans son intérêt » (contre 3.073 en 2014).

Pour rappel, une hospitalisation complète sans consentement ne peut pas se poursuivre sans que le JLD, saisi par le directeur de l’établissement, ne statue sur cette mesure dans un délai de 12 jours à partir de l’admission du patient.

Le juge est aussi amené à statuer dans un délai de 12jours, si les soins sans consentement sont transformés en hospitalisation complète, et au plus tard deux semaines avant l’expiration d’un délai de six mois suivant la décision judiciaire de l’hospitalisation, si le patient est toujours en hospitalisation complète depuis cette date.

La DACS s’est également intéressée au nombre de mainlevées prononcées à l’issue d’une demande de contrôle périodique dans le cadre d’une hospitalisation complète, et à leur hausse, en l’occurrence 6.262 en 2015, contre 5.028 en 2014, ce qui confirme des chiffres provisoires diffusés en février 2016 (cf APM CDB6O2R07X).

Surtout, elle relève une part très importante de mainlevées constatées « sans débat en raison de l’absence de décision du JLD dans les délais »: cela représentait 49,6% des mainlevées en 2015 et au moins 51% en 2016, alors que ces données 2016 sont encore « provisoires et incomplètes en raison des délais d’enregistrement dans les applications », précise-t-elle.

En revanche, « le nombre de demandes de mainlevées formées par la personne faisant l’objet de soins ou par toute personne agissant dans son intérêt, dans le cadre du contrôle facultatif du JLD, […] en hospitalisation complète ou non, est resté stable sur la même période », note-t-elle. « Cette stabilité atteste là encore de l’effectivité du recours au juge, y compris en dehors du contrôle de plein droit exercé par le JLD », commente-t-elle en suivant.

Le JLD confirme majoritairement l’hospitalisation

Dans le cas de ces demandes de mainlevée par le patient ou une personne agissant dans son intérêt, le juge statue en grande majorité pour la poursuite des soins sous contrainte, et de plus en plus. Ainsi, le taux de maintien de l’hospitalisation complète est passé de 76,4% en 2012 à 86,2% en 2015 (et 85% en données provisoires en 2016).

C’est vrai aussi dans le cadre du contrôle obligatoire du juge, puisque le taux de maintien de l’hospitalisation complète est de 91,2% en 2015 et de 91,4% en 2016 (sur des données provisoires, donc).

Cela se confirme encore pour les hospitalisations complètes en cas de contrôle par le JLD lorsqu’il y a désaccord entre le psychiatre et le préfet, avec un taux de maintien qui était de 66,7% en 2012 contre 71,9% en 2014 et 72,5% en 2015. Cela dit, ces désaccords représentent une toute petite part des saisines: 43 en 2012, 91 en 2014 et 74 en 2015.

A noter aussi que le nombre de recours contre les décisions du JLD en cour d’appel est en augmentation: 2.049 recours ont été recensés en 2012, contre 2.428 en 2014 et 2.882 en 2015.

Dans un document transmis à l’issue de son audition par la mission de l’Assemblée nationale, mercredi, le Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA) fait remarquer notamment que « les lois du 5 juillet 2011 et du 27 septembre 2013 ne donnent aux magistrats qu’un pouvoir de contrôle des décisions de mesures de soins sans consentement, prises dans leur formalisme, en tant qu’enveloppes, mais pas un pouvoir de contrôle sur le contenu de ces mesures, c’est-à-dire sur les soins ou leur absence, la prise en charge, ou son absence ou ses carences, ainsi que sur les contestations des patients relatives aux prises en charge et aux traitements ».

vl/ab/APM polsan
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