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Projet de loi sur la prévention de la délinquance : Vers une psychiatrie sécuritaire !

Alors que la loi du 27 juin 1990 prévoyait sa propre évaluation au terme de 5 ans, et qu’après de nombreuses propositions les professionnels réclament sans relâche une révision globale pour une loi sanitaire et de justice, ce projet du ministère de l’intérieur, réalisé sans concertation et dans une optique purement d’ordre public et sécuritaire, en confisque brutalement les fondements.

L’amalgame réalisé de fait entre troubles mentaux, dangerosité et délinquance, jette ainsi une aura redoutable sur les patients et la discipline en ruinant tous les efforts de dé-stigmatisation entrepris depuis des années. Mais surtout, il instrumentalise la psychiatrie en lui assignant avant tout un rôle de contrôle des libertés et de régulation des conflits sociaux que l’on croyait d’un autre âge, en rupture brutale avec le dernier demi-siècle d’une pratique sanitaire d’ouverture, fondée sur la clinique, le partenariat et la confiance.

Ainsi les articles 18 et 19 imposent la constitution d’un fichier national nominatif de patients aux comportements réputés dangereux, largement ouvert à la consultation, mettant ainsi les professionnels en porte à faux avec tous leurs engagements déontologiques et aggravant la stigmatisation des soins psychiatriques par la confusion entre troubles psychiques et violence.

Par l’article 20, qui cherche à opérer une distinction radicale entre les deux modes d’hospitalisation sous contrainte, l’exercice de la psychiatrie se trouve déterminé, non plus par l’absence de consentement aux soins, mais par l’absence de trouble potentiel, ou actuel, à l’ordre public. Le soin au malade ne relève plus de règles issues d’un savoir clinique, ou d’un cadre déontologique, mais d’un impératif préalable sécuritaire.

L’extension des prérogatives des Maires dans la logique de police générale prévue par l’article 21 accroit démesurément leur pouvoir de déclenchement des hospitalisations d’office, autrefois conféré temporairement par la seule urgence et demain systématique et sans plus de contrôle. Ils devront exercer au moment de la sortie un rôle de dépositaires d’informations médicales et de surveillance concernant les habitants de la commune qui n’est pas le leur.

Les alinéas qui suivent, particulièrement flous, rendent possible pour une période étendue à 3 jours le maintien dans une structure médicale « adaptée» sur seul avis médical, ou même sans avis médical et en tout cas sans que les possibilités de recours ne soient définies… C’est assimiler un lieu de soins à un site de « garde à vue psychiatrique », avec tous les problèmes posés par les modalités d’exercice d’une contrainte par corps, dans un lieu inadapté à cette fonction et dont les raisons médicales ne seraient pas avérées.

Associées à l’extension des pratiques de partage d’information et de médecin relais, et à de nouvelles dérogations au secret professionnel, ces mesures vont dangereusement dans le sens d’une dilution du secret médical et conduiront les psychiatres à exercer leurs soins dans un contexte délétère pour la qualité et l’éthique de leur pratique ainsi que pour son efficacité même. Les soignants devront à nouveau affronter une méfiance légitime de la part des patients et de leurs proches qui pensaient en avoir fini avec la psychiatrie liberticide.

L’ensemble des organisations syndicales des psychiatres publics refuse cette déviation des fondements de leur pratique et demande donc le retrait des articles 18 à 24 du chapitre 5 du Projet de Loi sur la Prévention de la Délinquance avant l’ouverture rapide de discussions sur un projet sanitaire global de réforme de la loi du 27 juin 1990.

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