Société de l'Information Psychiatrique

Foin du repos légitime succédant au Congrès syndical, et des motions engagées, consistantes, et déterminées !
L’état de veille permanente s’impose comme une nouvelle nature du rapport au pouvoir et à la presse : dernière salve, dénichée notamment par Catherine Paulet, la proposition de loi du bon Docteur Debré comportant, sous contrôle d’experts, « dont au moins un psychiatre », la possibilité d’imposer la castration chimique à l’auteur de crime sexuel, SANS son consentement…
Qu’en dire, faut-il s’en désoler, s’en révolter, s’en détourner de dégoût, ou réclamer le rétablissement de la peine de mort, pour ne pas perdre de temps dans la surenchère punitive ?
Les mots sont faibles, à l’aune des esprits du temps ; on ne dit plus les implications des mesures proposées, noyées qu’elles sont dans un nappage de bon sens primordial, de celui qui passe si bien au 13h de TF1… Les medias n’offrent plus la possibilité d’évaluer ou de débattre, pas le temps, question suivante, allez les bleus, qui était dans le bateau, etc…
« C’est parce que ce régime a les moyens, en plus de l’intention, d’instaurer la plus étouffante des dictatures médiatiques. Grâce à elle, la falsification systématique de la vérité, du langage et de l’opinion, déjà largement en cours, deviendrait absolue et sans échappatoires ; toute critique serait abolie ; tout, littéralement tout, redeviendrait possible » écrivait Giorgio Agamben dans le Monde du 23 mars 2002, il évoquait, bien sûr, la scène politique de l’Italie berlusconienne, toute ressemblance avec un pays frontalier contemporain relève du fantasme !
On se consolera du constat de la survie du débat démocratique en Italie, mais la lecture de l’ouvrage de Victor Klemperer, LTI, la langue du Troisième Reich (Albin Michel, 1996) et de la Question Humaine de François Emmanuel (Stock, 2000), suffisent à s’assurer des effets du langage, d’un langage choisi et stéréotypé sur la dénomination des concepts et des êtres.
Ainsi la Psychiatrie se retrouve-t-elle au feu, non pas de questionnements auxquels elle s’est accoutumée jusqu’aux autocritiques acerbes, mais d’évidences assénées quant à ses incapacités, ses scléroses, ses échecs ; d’impertinente (et dynamique), cette discipline est devenue « non-pertinente » (et archaïque), au point que d’obscurs comités Théodule doivent en grand secret en redéfinir les missions et les modes d’exercice…
Jusqu’à quel point les psychiatres se laisseront-ils instrumentaliser de la sorte, faut-il vraiment délaisser les missions de service public, l’accessibilité, la gratuité, la proximité et la diversité des approches, au profit de missions pré-découpées, vendues en lots au mieux-disant (sans rire) ?
Comment ignorer la tentation sécuritaire qui inspire chaque décision préfectorale face au patient hospitalisé d’office, à plus forte raison si les sorties d’essai s’accompagnent de drames ou d’incidents ?
Comment ignorer la référence récurrente à la dangerosité psychiatrique, et aussi sociale, dans le débat sur la santé mentale, comment oublier la possible résurgence des articles 18 à 24 de la loi de prévention de la délinquance ?
Ne constate-t-on pas que la concertation initiée à propos de la révision de la loi de 1990 reste sans suite, sans qu’une synthèse des propositions ait pu être présentée aux différents partenaires ?
Peut-on encore éluder le débat , cryptiquement lancinant depuis les travaux de la « Commission Burgelin », sur la défense sociale et la prise en charge des individus dangereux ?
Quand les mots gardent sens, tout débat reste possible, mais la Psychiatrie publique n’échappe pas à la dérégulation ambiante, qui estompe la référence à l’Histoire, quand elle ne la disqualifie pas, ainsi des notions de secteur, de consentement, de réalité psychique…
« Le troupeau compte sur moi pour éloigner tous les dangers, et de tous les dangers, celui de la mémoire est un des plus terribles… » (Philippe Claudel, Le Rapport de Brodeck).
Alors, gardons l’éveil ?