La conférence des directeurs généraux de CHU a transmis à la commission Larcher une proposition de projet de loi qui vise à soumettre les établissements publics de santé, à commencer par les centres hospitaliers universitaires, au régime des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Dans un contexte très concurrentiel, ce statut, explique-t-elle dans un document dont Hospimedia a eu copie, permettrait de soustraire les hôpitaux à des règles de droit public « trop contraignantes », liées notamment aux achats et à la gestion du personnel.
Comment permettre aux établissements publics de santé de mieux remplir leurs missions ? En les faisant passer de leur statut actuel d’établissement public administratif (EPA) à celui d’établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Cette solution est préconisée par la conférence des DG de CHU dans un projet de proposition de loi (voir encadré), transmis à la commission Larcher, dont Hospimedia a eu copie. « Le but recherché par une telle réforme n’est en aucune manière de transformer les hôpitaux en entreprises commerciales, avertit la conférence, mais de les mettre sur un plan d’égalité avec les autres établissements de santé régis par les règles du droit privé, en leur permettant de recourir plus facilement qu’aujourd’hui à des règles de droit privé et en les soustrayant aux règles très contraignantes et trop contraignantes du droit public ».
Un statut plus souple
Concrètement, la conférence des DG de CHU voit deux principaux avantages à ce changement de statut qu’elle réclame, dans un premier temps, pour les CHU et CHR. Contrairement aux EPA, les EPIC sont tout d’abord dispensés d’une soumission au code des marchés publics (CMP). Or, les règles de passation de ces marchés sont ici jugées « très lourdes ». La longueur des procédures, qui n’aboutissent par ailleurs pas forcément au choix de l’offre économique la plus avantageuse, constitue un handicap certain par rapport aux établissements de santé privés, estime la conférence. L’application de l’ordonnance n° 2005-649 de juin 2005, relative aux marchés passés par certaines entités publiques ou privées non soumises au CMP, permettrait en outre de continuer à respecter les principes de la commande publique, pour peu que les CHU soient considérés comme des « organismes créés pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial ». Contradictoire avec les statut d’EPIC ? Pas forcément, explique la conférence, « car on peut admettre que les CHU soient des EPIC qui satisfont un besoin n’ayant pas de caractère industriel ou commercial tout en recourant à des moyens commerciaux pour satisfaire ce besoin ».
Arrêter « l’hémorragie » des PH vers le secteur privé
Le deuxième avantage touche à la gestion du personnel. Dans un EPIC, ce dernier est soumis au droit privé. Conscients des difficultés et des inquiétudes liées à un changement de statut du personnel actuellement sous droit public, les DG de CHU proposent plusieurs solutions. Le personnel non médical en fonction garderait ainsi le statut de fonctionnaire, comme cela a été fait pour le personnel de France Telecom lors du changement de statut de l’entreprise. Les nouveaux personnels recrutés seraient, en revanche, soumis à un régime de convention collective. « Cela ne soulèverait pas de difficulté majeure quant à la mise en oeuvre, indique la conférence, la FHF étant prête à devenir le représentant des employeurs et le devenant pour tous les nouveaux personnels recrutés sous statut de droit privé ».
Concernant les PH, les DG de CHU souhaitent disposer de marges de manoeuvre plus importantes dans leur recrutement et leur rémunération, afin de juguler les fuites vers le secteur privé. La possibilité d’un recrutement par voie contractuelle est ici demandé. Il impliquerait la démission du PH recruté de son statut actuel et s’effectuerait en inscrivant dans le contrat des objectifs à atteindre sur une période limitée (trois ans). « Le surcoût entraîné par une meilleure rémunération pourrait très bien être compensé, et au-delà, par une plus grande attractivité de la fonction et une meilleure organisation du travail », souligne la conférence.
Des CHU transformés en établissements publics régionaux
Les DG de CHU s’interrogent enfin sur leur rattachement territorial. La possibilité de les transformer en établissements publics régionaux est envisagée, le bassin de population concerné par ces structures s’étendant au-delà des communes auxquelles ils sont aujourd’hui rattachés. Une telle décision aurait bien sûr des conséquences sur la composition et la présidence du conseil d’administration, qui sont abordées dans les propositions des DG de CHU.
« La proposition de réforme consiste à appliquer progressivement les nouvelles dispositions, avec application immédiate à ceux des établissements qui le souhaitent, et une application à échéance de un ou deux ans pour les autres établissements qui préfèrent se préparer à la réforme », indique la conférence des DG de CHU, précisant encore ici qu’il s’agit bien pour elle de « renforcer le service public ».
Nicolas Crestel
La proposition de projet de loi de la conférence des DG de CHU
Article 1er : Les établissements publics d’hospitalisation constituent une catégorie spécifique d’établissements publics, appelés établissements publics de santé.
Article 2 : Les établissements publics de santé sont chargés du service public de la santé et, par dérogation aux articles L.6141-1 et s. du code de la santé publique, sont soumis au régime juridique des établissements publics à caractère industriel et commercial. Le code des marchés publics ne leur est pas applicable.
Article 3 : Les établissements publics de santé sont soumis au contrôle de l’État tel qu’il est prévu aux articles L.6141-2 et s. du code de la santé publique. Les établissements publics de santé conservent le rattachement territorial qui est le leur.
Article 4 : Les personnels non médicaux en fonction dans l’établissement public de santé demeurent régis par le statut de la fonction publique hospitalière ou les autres régimes en vigueur, sauf s’ils optent pour un régime contractuel qui peut leur être proposé par le directeur général de l’établissement. Les personnels non médicaux recrutés par contrat par le directeur de l’établissement sont soumis au code du travail et sont régis par une convention collective spécifique. Les litiges les concernant sont portés devant les juridictions de l’ordre judiciaire.
Article 5 : Les praticiens hospitaliers en fonction dans l’établissement demeurent régis par leur statut spécifique mais peuvent, s’ils le souhaitent, et avec l’accord du directeur général, renoncer à leur statut et opter pour un contrat à durée déterminée dont les conditions sont fixées, avec leur accord et sur habilitation du conseil de surveillance de l’établissement, par le directeur de celui-ci. Les praticiens hospitaliers peuvent être recrutés par l’établissement par contrat à durée déterminée dont les conditions sont fixées, avec leur accord et sur habilitation du conseil de surveillance de l’établissement, par le directeur de celui-ci. Le contrat comporte des objectifs déterminés par accord entre le praticien et le directeur de l’établissement.
Article 6 : Le directoire est chargé de suivre l’application des contrats des personnels médicaux et des personnels non médicaux. Il donne un avis au directeur d’établissement sur la réalisation des objectifs fixés dans les contrats passés avec les praticiens hospitaliers.
Article 7 : Il est institué un Comité national de suivi de la réforme. Le Comité national de suivi est composé de :
– deux membres du Parlement élus respectivement, l’un par l’Assemblée nationale, l’autre par le Sénat,
– du directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins ou son représentant,
– du président de la Fédération hospitalière de France ou son représentant,
– du président de la conférence des directeurs généraux de CHU ou son représentant,
– du président de la conférence des présidents de CME des CHU, ou son représentant,
– du président de la conférence des doyens, ou son représentant.
Le Comité national de suivi établit chaque année un rapport sur l’application de la réforme au vu des rapports adressés par les comités de suivi des établissements concernés. Il peut faire toutes propositions relatives aux modifications à apporter aux textes. Ce rapport est adressé à chacune des assemblées du Parlement, au ministre chargé de la santé publique, ainsi qu’à chaque directeur d’établissement concerné.
Article 8 : Les établissements publics de santé sont placés sous le contrôle d’un Conseil de surveillance. Le Conseil de surveillance est composé de douze membres répartis entre quatre collèges.
– Le premier collège est composé de cinq élus représentant les collectivités territoriales, parmi lesquels figurent obligatoirement le maire de la ville siège de l’établissement et le président du conseil régional, ou leur représentant respectif. Le président du Conseil de surveillance est élu dans le premier collège par les membres, non salariés de l’établissement, des trois premiers collèges.
– Le deuxième collège est composé de deux représentants des usagers désignés par arrêté du ministre chargé de la santé.
– Le troisième collège est composé de trois personnalités qualifiées dont le président de l’Université ou son représentant, un représentant du Conseil économique et social régional, un représentant du Conseil de l’Ordre.
– Le quatrième collège est composé de deux représentants des personnels, un représentant le personnel médical, l’autre représentant le personnel non médical.
– Le directeur général de l’établissement, le président de la CME, les doyens, en fonction, des Facultés de médecine, un représentant de la CSIRMTS, le trésorier du CHU, peuvent assister aux séances du Conseil de surveillance avec voix consultative.
Article 9 : Les établissements publics de santé sont administrés par un directoire de 6 membres :
– Le directeur général, président du directoire, et deux membres de la direction choisis par lui
– Le président de la CME et un membre de la CME choisi par lui
– Le doyen, ou un doyen de la Faculté de médecine désigné, s’il y a plusieurs doyens, par accord entre ces derniers.
Article 10 : Le directeur général gère l’établissement de santé, il représente celui-ci pour tous les actes de la vie juridique. Il nomme l’ensemble des personnels, il met en oeuvre la politique de l’établissement dont il est l’ordonnateur et dont il exécute les dépenses. Le directeur général est nommé par décret du Premier ministre après avis du Conseil de surveillance.
Article 11 : Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de la présente loi.