Société de l'Information Psychiatrique

PARIS, 6 avril 2012 (APM) – Les magistrats et les psychiatres ont réclamé vendredi que le nombre d’expertises psychiatriques obligatoires soit diminué et que les soins psychiatriques en prison soient renforcés.

Dix syndicats et organisations de professionnels travaillant dans le domaine de la justice (magistrats, policiers, personnels pénitentiaires, experts psychiatres, psychiatres auprès des détenus, greffiers, interprètes) et deux associations de victimes ont rendu public, lors d’une conférence de presse, un document adressé aux candidats à l’élection présidentielle et destiné à améliorer le fonctionnement de la justice.

Le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), l’Association nationale des psychiatres des hôpitaux experts judiciaires (Anphej), l’Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP) ainsi que l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) et l’Association des accidentés de la vie (Fnath) ont participé à l’élaboration de ce document de 100 pages.

Le président de l’Union syndicale des magistrats (USM), Christophe Régnard, a souligné le caractère inédit de la démarche, venant de professions dépendant de ministères différents, notamment les magistrats et les policiers, qui s’explique par les « mises en cause répétées » de l’action des services de police et de justice.

La multiplication, par différentes lois, de l’obligation de produire une expertise psychiatrique (pour une demande de permission de sortie ou un aménagement de peine, lors d’un suivi socio-judiciaire), notamment « en urgence », a abouti à alourdir la charge des experts (+149% d’expertises psychiatriques ordonnées entre 2002 et 2009).

L’obligation s’avère dans certains cas peu pertinente. Par ailleurs « l’obligation légale est formellement respectée mais le contenu est de moindre qualité, faute de temps suffisant pour les experts », indique le document.

De plus, « pour les experts, l’urgence est incompatible avec la notion d’expertise psychiatrique efficiente » puisqu’elle doit « apporter un éclairage sur une personnalité, sur l’existence ou non de troubles mentaux ».

Le manque de médecins experts se fait aussi sentir dans d’autres domaines que la psychiatrie, soulignent-ils.

Les professionnels soulignent aussi la faible rémunération des expertises au vu du temps nécessaire (192,48 euros pour une expertise psychologique et 257,75 euros pour une expertise psychiatrique) et des frais de déplacement ainsi que le retard important de leur paiement (des retards de deux à quatre ans dans certains endroits, a indiqué Jean-Marc Bailleul, secrétaire général du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure).

Ces difficultés sont facteurs de tensions au quotidien, notamment pour les greffiers qui doivent répondre aux experts qui attendent leur paiement, mais aussi d’insatisfaction « quand on se demande ce que vaut une expertise effectuée en urgence », a souligné Marc Trévidic, président de l’Association française des magistrats instructeurs.

Les psychiatres soulignent qu’une difficulté supplémentaire est apparue avec le décret du 29 septembre 2010 qui interdisait aux praticiens hospitaliers de pratiquer des expertises sur leur temps de travail. Bien que la loi du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines ait rectifié les choses, ils remarquent que cela ne sera effectif qu’à la publication d’un nouveau décret.

RENFORT EN SOIGNANTS

Les professionnels demandent aussi de limiter le recours à la visioconférence dans la procédure judiciaire, notamment pour les audiences de contrôle des hospitalisations sous contrainte en psychiatrie.

Ils demandent le respect de l’avis de novembre 2011 du contrôleur général des lieux de privation de liberté (cf APM HMOK7003), qui plaide en ce sens, et réclament que le recours à la visioconférence ne soit plus inscrit comme un « critère de performance d’un service » judiciaire.

Sur les soins en prison, les professionnels réclament « des soins psychiatriques et psychologiques adaptés en prison ». Ils soulignent que la gestion des personnes atteintes de troubles mentaux est « un problème considérable et quotidien pour l’administration pénitentiaire » et que les soignants, entre autres, sont en nombre insuffisant.

Ils déplorent aussi que la direction de l’administration pénitentiaire ait choisi les 22 établissements qui seraient spécialisés dans la prise en charge des auteurs d’infractions sexuelles « sans concertation avec le ministère de la santé ou état des lieux des personnels médicaux présents ».

Ils donnent l’exemple du centre de détention de Bapaume (Pas-de-Calais), désigné spécialisé, qui n’a eu aucun renfort de psychiatre ou de psychologue.

hm/ab/APM polsan
HMPD6001 06/04/2012 14:23 ACTU