Société de l'Information Psychiatrique

Ce que contient la nouvelle loi santé, tout juste adoptée

Par François Béguin

Le 17 décembre 2015

Le projet de loi santé, définitivement adopté, n’est pas fondamentalement différent de celui présenté en octobre 2014.

Les manifestations d’hostilité d’une partie des professionnels de santé libéraux et la forte mobilisation des buralistes n’y auront rien changé. Au terme d’un processus démarré en octobre 2014 et d’un long parcours parlementaire, le projet de loi santé a été définitivement adopté par les députés jeudi 17 décembre. Finalement, il n’est pas fondamentalement différent de celui présenté en conseil des ministres le 15 octobre 2014.

Si elle a dû renoncer à la vaccination par les pharmaciens et s’est vu imposer par les parlementaires un assouplissement substantiel de la loi Evin encadrant la promotion des boissons alcoolisées, la ministre de la santé, Marisol Touraine, n’aura cédé sur aucun autre point aux opposants à sa loi. Ni sur la généralisation du tiers payant ni sur la mise en place du paquet de cigarettes neutre.

Une fois que le Conseil constitutionnel – bientôt saisi par les parlementaires de l’opposition – aura rendu son avis sur la loi, celle-ci pourra être officiellement promulguée, vraisemblablement d’ici à la fin du mois de janvier 2016. Au gré de la publication des décrets et des arrêtés, des dizaines de mesures devraient progressivement entrer en vigueur tout au long de l’année prochaine.

Certaines, comme le « droit à l’oubli » pour les anciens malades du cancer souscrivant une assurance ou un emprunt, se sont révélées assez consensuelles et ne devraient pas créer de vagues. D’autres, plus contestées ou plus compliquées à appliquer, devraient en revanche continuer à faire parler d’elles ces prochains mois.

  • Le tiers payant généralisé

A droite, Nicolas Sarkozy, François Fillon et Alain Juppé, les principaux candidats à la primaire, ont annoncé qu’ils abrogeraient tout ou partie de la loi santé s’ils étaient élus à la présidence de la République. Des déclarations qui concernent d’abord le tiers payant généralisé, une disposition qui vise à supprimer l’avance de frais chez le médecin. La mesure phare du projet de loi cristallise depuis des mois la colère d’une partie des syndicats de médecins libéraux, qui y voient une source de complexité administrative et à terme une réduction de leur liberté de prescription.

Lors de l’élection présidentielle, en mai 2017, la généralisation par étapes de cette dispense d’avance de frais ne sera pas achevée. Elle ne deviendra obligatoire que six mois plus tard, à partir du 30 novembre. Mais si le dispositif technique retenu avait d’ici-là fait la preuve de sa simplicité et de sa fiabilité, de nombreux élus à gauche sont convaincus qu’il sera compliqué – voire impossible – de revenir sur une mesure qui bénéficie dans les sondages d’une adhésion des patients.

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Toutefois, à l’heure de voter la loi, le dispositif connaît encore plusieurs inconnues. La plupart des syndicats de médecins libéraux ont assuré que leurs adhérents n’appliqueront pas cette dispense d’avance de frais, appelant même à la « désobéissance civile ». La ministre de la santé, Marisol Touraine, ayant toujours refusé de parler de sanctions, que se passera-t-il pour les médecins frondeurs ?

La façon dont le forfait d’un euro par consultation sera récupéré par l’Assurance-maladie n’est par ailleurs toujours pas tranchée. Un prélèvement direct du montant de cette franchise sur le compte en banque des assurés sociaux est à l’étude. Après avoir été annoncé pour la fin octobre, un rapport commun de l’Assurance-maladie et des organismes de complémentaires santé détaillant le « mode d’emploi » du futur tiers payant devrait être publié à la fin du mois de janvier 2016.

  • Le paquet neutre

Adopté de justesse en deuxième lecture, par deux voix d’écart, le paquet de cigarettes générique fera son apparition sur les présentoirs des buralistes le 20 mai 2016. Forme, taille, couleur et typographie seront uniformisées ; seul le nom de la marque continuera d’apparaître en petit sur le paquet. Les cigarettes aromatisées ainsi que les cigarettes comportant des petites capsules à activer seront également interdites au cours de l’année prochaine. Seules les cigarettes mentholées disposeront d’un sursis jusqu’en 2020. Au nom du respect des droits des marques, les cigarettiers menacent la France de poursuites devant l’Organisation mondiale du commerce ou la Cour de justice européenne.

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  • Interdictions de fumer et vapoter

Dès la promulgation de la loi, il sera interdit de fumer en voiture si un mineur se trouve à bord. D’ici à la fin du mois de mars 2016, assure le ministère de la santé, il ne devrait officiellement plus être autorisé de vapoter dans les établissements scolaires ou accueillant des mineurs, dans les moyens de transport collectif fermé et plus généralement « les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif ». Les cafés, bars et restaurants ne seront toutefois pas concernés par une telle interdiction, le Conseil d’Etat ayant explicitement exclu ces lieux du champ d’application de la loi.

  • Les « salles de shoot »

Paris et Strasbourg devraient être les premières villes à expérimenter pendant six ans ces salles de consommation à moindre risque, destinées à accueillir les toxicomanes marginalisés, afin d’éviter la propagation du VIH ou de l’hépatite. Au ministère de la santé, on assure que les choses peuvent « aller très vite » une fois la loi votée. Ces salles pourraient être autorisées à ouvrir leurs portes dès la fin du mois de mars 2016. Adossées à des structures hospitalières, ces deux premières salles devraient sans doute susciter moins d’hostilité et de craintes chez les riverains.

  • Don d’organes

Les modalités exactes du don doivent être redéfinies d’ici au 1er janvier 2017 à l’issue d’une concertation entre les associations de donneurs et les autorités sanitaires. A compter de cette date, la famille d’un défunt ne sera plus consultée mais simplement informée d’un prélèvement d’organes. Le registre national de refus est appelé à devenir le principal moyen de formuler, de son vivant, le refus de donner.

  • L’action de groupe

L’instauration des actions de groupe pour les patients victimes de dommages médicaux dus à leur traitement avait été présentée comme une « avancée démocratique majeure » par Marisol Touraine. Mais le dispositif proposé reste éloigné du modèle américain et se révèle peu adapté aux affaires sanitaires

  • Le droit à l’oubli

Cette mesure devrait donner la possibilité aux anciens malades du cancer, passé un certain délai après leur guérison, de contracter un crédit bancaire, ou plus exactement une « assurance emprunteur » permettant ce prêt, et donc l’accès à la propriété. Jusqu’à maintenant, considérés comme des emprunteurs « à risque », ils en étaient soit exclus, soit contraints de payer des surprimes d’un montant parfois exorbitant.

  • IVG : suppression du délai de réflexion

Les femmes n’auront plus à patienter sept jours avant de pouvoir avorter. Le délai de réflexion obligatoire entre la première et la deuxième visite médicale pour une interruption volontaire de grossesse (IVG) est supprimé.

  • Le dossier médical partagé

Plus de dix ans après sa création, la Caisse nationale d’assurance-maladie va relancer ce dossier informatique censé contenir aussi bien les comptes rendus d’hospitalisation des patients que les résultats de biologie, les radios ou les courriers de liaison entre médecins spécialistes et médecin traitant.

  • L’étiquetage nutritionnel

Si industriels, associations de consommateurs et autorités sanitaires parviennent à se mettre d’accord, des logos de différentes couleurs pourraient faire leur apparition sur les emballages industriels au cours de l’année 2016.

  • Prescription d’activité physique

Dix millions de Français atteints d’une des trente affections de longue durée (ALD) devraient pouvoir se voir prescrire des activités physiques adaptées. ­Celles-ci seront dispensées par des organismes labellisés, sous la ­supervision d’éducateurs sportifs qualifiés.

François Béguin