Le Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux a pris connaissance avec gravité du rapport du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) signalant un recours démesuré aux pratiques d’isolement et de contention dans un établissement psychiatrique. L’usage de ces pratiques constitue un sujet de préoccupations au cœur des travaux du SPH et de sa société scientifique, la Société de l’Information Psychiatrique (SIP), auditionné à ce propos par le CGLPL avant ces révélations (texte disponible : http://sipweb.fr/spip.php?article39).
Le SPH rappelle que la récente loi de santé ambitionne d’encadrer ces pratiques en imposant la tenue d’un registre pour en tracer l’activité. Mais pour que cette mesure permette réellement de réduire les risques de dérives, d’autres éléments constitutifs des conditions d’exercice doivent être examinées.
Cette actualité ne doit en effet pas favoriser les raccourcis et les caricatures sur l’ensemble de la psychiatrie publique et sur ses patients. Il convient de resituer la question des pratiques dans l’évolution des demandes adressées à la psychiatrie. Le tournant sécuritaire symbolisé par le discours présidentiel de 2008 à Antony accompagne l’exigence sociétale du risque zéro, tandis que les mesures médico-économiques appliquées à la santé ont modifié les dispositifs de soins psychiatriques : la diminution du nombre de lits hospitaliers non compensée par la création suffisante de solutions alternatives à l’hospitalisation, la protocolisation comme outil de gestion dans la santé qui se substitue aux élaborations collectives nécessaires en psychiatrie à l’analyse des situations cliniques complexes, et l’insuffisance de formation initiale et continue pour les personnels soignants par absence de reconnaissance des spécificités de la psychiatrie, font partie des facteurs de fragilisation des conditions de soins hospitaliers.
Face aux manifestations comportementales de la pathologie, l’usage excessif des mesures de contraintes est le symptôme d’un affaiblissement de la réflexion clinique collective et d’un exercice professionnel dépassé par les injonctions contradictoires. Cependant l’isolement et la contention, qu’il conviendrait de ne pas confondre dans leur application, tout comme il serait honnête de ne pas feindre de croire que la contention est l’apanage des établissements psychiatriques, sont bien des prescriptions possibles. La contention doit être considérée comme une prescription brève et par défaut, par les psychiatres chargés d’en mesurer le rapport bénéfice / risque face aux excès et aux risques de certains symptômes. L’isolement quant à lui, peut intégrer au sein d’une collectivité de patients hospitalisés dans un même service, le programme thérapeutique individuel d’une personne sans contrôle sur ses troubles, pour son apaisement et sa protection. Et de fait, la privation de liberté reste une particularité inhérente aux missions confiées par la société à la psychiatrie, telle que l’ont entériné les lois encadrant les soins sans consentement et leurs réformes récentes.
Les recommandations de la ministre de la Santé pour remédier aux dysfonctionnements constatés sont à observer, mais elles risquent de ne pas suffire si la situation de la psychiatrie n’est pas considérée dans son ensemble. Outre la mise en place du registre traçant les contentions et l’isolement, les moyens d’éviter les dérives de leur usage passent par des locaux adaptés, des personnels formés et en effectifs suffisants, et des moyens pour mettre en place des activités thérapeutiques.
La lumière jetée par ce rapport sur l’un des aspects des pratiques en psychiatrie devrait aussi être l’occasion de rappeler qu’une veille continue sur la loi du 5 juillet 2011 et du 27 septembre 2013 est toujours nécessaire, puisque la société a également confié à la psychiatrie la tâche de priver de liberté certains de ses membres souffrant de troubles mentaux.