Société de l'Information Psychiatrique

Psychiatrie: Michel Laforcade liste le « panier de services » minimum pour tous les territoires

PARIS, 14 octobre 2016 (APM) – Le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine, Michel Laforcade, propose notamment, dans son rapport « relatif à la santé mentale » publié mercredi, de « définir et mettre en place la nouvelle organisation territoriale de la politique de santé mentale » avec l’instauration d' »un panier de services indispensables dans tous les territoires ».

En septembre 2014, la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, avait confié à l’alors directeur général de l’ARS Aquitaine, Michel Laforcade, une mission sur la psychiatrie (cf APM ABRIO001), censée éclairer sa réflexion au moment de la rédaction du projet de loi de santé (cf APM VL8NG3WTB). Devait lui être communiqué un rapport à la fin du deuxième trimestre 2015 (cf APM VL0NGMSAJ).

Le rapport de 190 pages mis en ligne en catimini mercredi sur le site du ministère des affaires sociales et de la santé est daté d' »octobre 2016″.

Dans un long « avant-propos » résumant ses propositions, Michel Laforcade rappelle en premier lieu que « la santé mentale et la psychiatrie constituent un enjeu de santé majeur ».

« Le parcours n’est pas un concept creux ni un mot galvaudé », assène-t-il. « Il est au contraire l’une des principales innovations de la loi de modernisation de notre système de santé et correspond à un besoin majeur des personnes concernées par la maladie mentale mais aussi de leur entourage », assure-t-il.

« Dans cette logique de parcours sans rupture, une place particulière devra être réservée à trois dimensions », écrit-il ensuite: « la question du logement et du maintien dans ce logement est la première clé du succès »; « l’accès à la scolarisation, à l’emploi, à la culture, à l’activité physique sont déterminants »; pour les parcours les plus compliqués, « il sera proposé de désigner des référents sur le modèle des gestionnaires de cas complexes qui ont fait leurs preuves dans d’autres domaines ».

Il cite également le triptyque « recherche, évaluation et formation » qui sont selon lui « indissociables ». « Malgré des avancées significatives ces dernières années, des modalités de recherche et d’élaboration de recommandations adaptées à la psychiatrie et à ses spécificités doivent être promues et mises en oeuvre. C’est la condition pour que la culture de la preuve l’emporte sur la culture de l’opinion », observe-t-il.

« Toutes ces nouvelles ambitions imposent une inflexion des pratiques professionnelles », remarque-t-il aussi, soulignant que « toute l’offre de services ne peut être proposée dans chaque secteur. Il s’agira de continuer à développer les structures intersectorielles nécessaires sur chaque territoire ou au sein d’un ‘territoire de recours' », propose-t-il.

« Où qu’ils se trouvent, les malades et leur entourage devront pouvoir bénéficier d’une offre de prestations beaucoup plus homogène. Les relations entre professionnels du premier recours et acteurs de la psychiatrie devront sensiblement progresser », relève-t-il.

Le centre de gravité: le domicile, pas l’hôpital

Dans cette optique, « le centre de gravité du dispositif de soins doit devenir le domicile, l’hôpital l’exception », assure-t-il, constatant que « plusieurs secteurs français sont déjà dans cette logique ».

Enfin, « les contraintes financières actuelles [étant] au coeur de ce rapport, l’immense majorité des propositions sont peu onéreuses ou peuvent être envisagées par redéploiement », fait-il valoir.

« Le rôle des ARS sera important, notamment à travers leur capacité à fédérer et mobiliser l’ensemble des acteurs dont l’engagement est décisif », souligne-t-il également. « ‘Penser, vouloir et agir’ pourrait synthétiser leur action », résume-t-il. Toute une partie du rapport détaille d’ailleurs à la fois le rôle et les multiples besoins pratiques, méthodologiques et d’outillage des ARS.

Dans le détail, Michel Laforcade a divisé ses propositions en quatre chapitres. D’abord, « améliorer les parcours de soins et de vie des personnes malades », avec des « propositions d’ordre général » sur les « dispositifs et des collaborations entre les acteurs à renforcer » et des « propositions spécifiques » pour la psychiatrie infanto-juvénile, la psychiatrie des personnes âgées, le handicap psychique, les addictions et l’accès aux soins psychiatriques des personnes précaires.

Ensuite, il préconise de « faire évoluer les pratiques professionnelles, les métiers et la formation » et de « promouvoir et renforcer la citoyenneté des personnes malades ». Enfin, il faut « définir et mettre en place la nouvelle organisation territoriale de la politique de santé mentale », écrit-il, avec l’instauration, donc, d' »un panier de services indispensables dans tous les territoires ».

Une traduction opérationnelle en décret ?

Il liste ensuite ces « dispositifs et services diversifiés indispensables dans chaque projet territorial de santé mentale ». Ainsi, concernant « le dispositif de soins »:

  • « chaque projet territorial de santé mentale (PTSM) devra prévoir la mise en place, pour les adultes et les enfants, d’une permanence téléphonique ouverte 24h/24 pour les usagers ou leurs proches, les médecins généralistes de garde, le centre 15 et les urgences hospitalières, les services sociaux, les établissements sociaux ou médico-sociaux, ou toute personne faisant appel aux professionnels du territoire »
  • « chaque secteur devra disposer d’un certain nombre de réponses aux besoins sous forme ambulatoire et en hospitalisation »
  • « Le secteur de psychiatrie générale reçoit les patients majeurs et dispose pour ce faire d’un ou de plusieurs centres médico-psychologiques [CMP] (ou d’un CMP unique et d’antennes) »
  • « L’établissement autorisé en psychiatrie dispose de lits d’hospitalisation, en service libre comme sans consentement »
  • « Outre les CMP », le PTSM « devra prévoir des soins ambulatoires, proposés par exemple au sein des CATTP [centres d’accueil thérapeutique à temps partiel], ateliers thérapeutiques, accueil familial »
  • « Les professionnels du secteur de psychiatrie assureront, dès le premier contact avec un patient et/ou ses proches, une information claire et précise sur le fonctionnement de son dispositif, les soins mis à sa disposition et les professionnels qui les prodiguent »
  • « Le secteur de psychiatrie infanto-juvénile décline en proximité les orientations du projet territorial de santé mentale, reçoit les enfants et les adolescents et prépare le relais avec le secteur de psychiatrie adulte »
  • « Le secteur, ou plusieurs secteurs regroupés […] déploient des moyens en personnel (psychiatres, psychologues, infirmiers, etc.), sur un territoire donné, pour assurer des soins psychiatriques adaptés »
  • « Les médecins et les professionnels du territoire de santé mentale établissent des liaisons avec les professionnels de santé de premier recours »
  • « Les secteurs de psychiatrie générale et infanto-juvénile renforcent leur participation aux missions et aux travaux des MDPH [maisons départementales des personnes handicapées] » et « établissent des liens, au moins sous forme de conventions », avec « les services et établissements sociaux et médico-sociaux de leur territoire »
  • « Un certain nombre de centres hospitaliers disposent d’une unité pour malades difficiles (UMD) » et le territoire propose aussi des soins de psychiatrie en milieu pénitentiaire
  • Les centres éducatifs fermés (CEF) « feront l’objet d’une grande attention, du fait des troubles mentaux fréquents chez les jeunes qui y sont maintenus »
  • Le PTSM prévoit la mise en place d’un ou de plusieurs conseils locaux de santé mentale (CLSM) (cf APM VL2OF13VF).

En plus de ces préconisations pour le dispositif de soins, Michel Laforcade détaille ce que doit être « le dispositif d’insertion sociale », les gestionnaires de cas complexes et le développement de la démocratie en santé.

Tous les éléments de son rapport « pourraient utilement trouver une traduction opérationnelle dans un texte de nature réglementaire (circulaire ou décret, par exemple) », propose en conclusion Michel Laforcade.

Rapport de Michel Laforcade relatif à la santé mentale