Société de l'Information Psychiatrique

publié par Hospimedia le 13/01/2017

Dans le cadre de recommandations de bonnes pratiques sur la contention et l’isolement en psychiatrie générale que la Haute Autorité de santé (HAS) est en train de finaliser, cette dernière propose la création de fiches détaillées de surveillance de ces mesures « de dernier recours », qui devront être renseignées par les psychiatres et infirmiers.

La Haute Autorité de santé (HAS) met la dernière main actuellement sur un guide de recommandations de bonnes pratiques relatives à l’isolement et à la contention en psychiatrie. La finalité est d’améliorer la prise en charge des patients et la qualité des soins, de veiller au respect de leurs droits fondamentaux en « encadrant fortement ces pratiques », explique la HAS dans un document de travail avancé sur ces recommandations, qu’Hospimedia a pu consulter. Ce document concerne les services de psychiatrie générale, rappelle la HAS. « Compte tenu des particularités cliniques et de fonctionnement des unités pour malades difficiles (UMD), une réflexion spécifique doit être menée » sur la mise en œuvre de ces recommandations, précise-t-elle. La HAS délivre ici et/ou rappelle notamment quelques « messages clés » aux professionnels de la psychiatrie. Elle indique que « l’isolement et la contention mécanique sont des mesures de protection limitées dans le temps pour prévenir une violence imminente sous-tendue par des troubles mentaux« . Elles s’nscrivent dans le cadre d’une démarche thérapeutique et ne doivent « être utilisées qu’en dernier recours après échec des mesures alternatives de prise en charge« . Elles sont réalisées sur décision d’un psychiatre, d’emblée ou secondairement, souligne la HAS, précisant que seuls les patients faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement peuvent être isolés.

Une surveillance « régulière et intensive » des mesures

La haute autorité ajoute que « ces mesures ne peuvent avoir lieu que dans un espace dédié avec des équipements spécifiques » et que la contention mécanique ne peut s’exercer que dans le cadre d’une mesure d’isolement. Par ailleurs, elle indique qu’une fiche particulière de prescription du suivi de la décision s’inscrit dans le dossier du patient. « Ces mesures nécessitent une prise en compte systématique de l’état clinique somatique« , poursuit-elle. Il est « indispensable, au moment de la mise en place [de ces mesures], de donner au patient des explications claires concernant les raisons » de celles-ci et les critères qui en permettraient la levée. D’autre part, l’isolement et la contention « doivent être levés, sur décision médicale, dès que leur maintien n’est plus cliniquement justifié« . La HAS signale en outre qu’il est « souhaitable d’aménager des espaces d’apaisement, comme alternative à l’isolement« . Enfin, après la levée de toute mesure, « une reprise des conditions qui y ont conduit et une réflexion doivent être menées d’une part avec le patient et d’autre part en équipe« . L’établissement devra plus globalement mener « une réflexion visant à améliorer les conditions de prise en charge et à limiter les mesures d’isolement et de contention dans le cadre de sa politique d’amélioration de la qualité des soins« . La HAS spécifie qu’aucune mesure d’isolement ou de contention « ne peut être décidée par anticipation en « si besoin » » et souligne que ces mesures sont « assujetties à une surveillance régulière et intensive suivant la prescription médicale« . Sur ce point précis, elle propose donc deux fiches types de surveillance, à renseigner par les soignants et les psychiatres.

Des fiches détaillées pour le suivi des mesures

La HAS détaille plusieurs fiches particulières par types de prescription du suivi de la décision (l’une pour la contention et l’autre pour l’isolement) à inscrire dans le dossier du patient et comportant notamment :

  • l’identité du patient ;
  • l’identité du médecin/psychiatre prescripteur ;
  • la date et l’heure de début et de fin de la mesure ;
  • le nom de l’unité, les modalités d’hospitalisation ;
  • le motif de la mise en isolement ou de la contention, les risques de violence envers autrui ou envers lui-même clairement notifiés ;
  • les troubles et antécédents (somatiques et psychiques) présentant un risque particulier ;
  • des éventuelles précisions « sur ce qui a été vainement mis en œuvre préalablement afin de justifier que la mesure est bien prise en dernier recours » ;
  • la recherche de contre-indications à la mesure ;
  • les modalités de dispensation du traitement médicamenteux privilégiant une voie per os chaque fois que possible, en situation d’urgence, en complétant la fiche de traitement ;
  • les modalités de surveillance adaptées à l’évaluation des risques somatiques et psychiques ;
  • en cas de contention, les consignes devant permettre au patient de manger, de boire, d’aller aux toilettes ou de se laver clairement notifiées ;
  • une grille de surveillance (psychique/physique) infirmière du patient.

Des mesures limitées dans le temps

La haute autorité recommande que l’indication de la contention soit limitée à 6 heures et celles de l’isolement soit à 12 heures. Si l’état de santé le nécessite, la décision et la fiche de prescription de ces mesures devront être renouvelées, dans les 6 heures (contention) ou dans les 12 heures (isolement). En cas de prolongation, les décisions et les fiches de prescription devront être « renouvelées toutes les 24 heures en concertation avec l’équipe pluridisciplinaire« . L’équipe « réévalue l’état clinique et peut solliciter le psychiatre pour la levée de la mesure à tout moment« . Les contentions mécaniques de plus de 24 heures et les isolements de plus de 48 heures « doivent être exceptionnels« . Enfin, dans tous les cas, le patient doit bénéficier au minimum de deux visites médicales par 24 heures, permettant de réévaluer son état somatique et psychique. Chaque examen ou surveillance devra être consigné dans le dossier du patient où « une fiche peut être identifiée stipulant le nom du soignant, la date et l’heure ainsi que les examens ou surveillances effectués« . Enfin, plus globalement, la HAS relève que la mise en œuvre de ces recommandations nécessite donc une mobilisation des moyens (ressources humaines, formation, supervision, etc.) dont les établissements doivent être pourvus, et enjoint les autorités sanitaires à les accompagner dans ce sens, notamment en matière de formation des professionnels.

Des notifications écrites au-delà des obligations légales en vigueur

Avec ces fiches types, la HAS propose une protocolisation accrue qui renforce la traçabilité (donc facilite l’opposabilité en droit) de telles mesures et va au-delà des obligations légales en vigueur — même si celles-ci représentaient déjà une avancée en matière de traçabilité. Pour rappel, la loi de Santé a modifié le Code de la santé publique (CSP) afin de prévoir désormais la tenue d’un registre dans les établissements de santé autorisés à hospitaliser sans consentement. Ce registre doit mentionner « le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée« . Le CSP ne renvoie pas, pour l’heure, à un décret pour plus de précisions sur le suivi écrit de la mise en œuvre de ces mesures par les professionnels de santé. Mais les recommandations de la HAS peuvent avoir valeur réglementaire, selon une décision du Conseil d’État du 27 avril 2011.

Caroline Cordier