Psychiatrie: un cahier de prescriptions techniques pour la chambre d’isolement en préparation
Les deux associations proposent de collecter les expériences de chaque établissement psychiatrique et de réaliser un cahier de prescriptions techniques pour les ingénieurs et les techniciens hospitaliers.
Elles ont également indiqué qu’elles s’attelaient à l’élaboration d’un guide des bonnes pratiques et qu’elles s’engageaient « à diffuser le document, avant juin, à la Haute autorité de santé (HAS) et à la direction générale de l’offre de soins (DGOS) ».
Dans le même temps, elles proposent de collecter les expériences de chaque établissement psychiatrique et de réaliser un cahier de prescriptions techniques pour les ingénieurs et les techniciens hospitaliers.
La HAS a rédigé un guide sur « la place de la contention et de la chambre d’isolement en psychiatrie », mais ce guide ne contient aucune recommandation véritablement technique, a souligné lors de la journée Natacha Huret-Montezin, ingénieure qualité, membre de l’association nationale des responsables qualité en psychiatrie (ANRQPSY). Il ne définit pas les critères techniques de la chambre de soins intensifs (CSI).
« La finalité du traitement psychiatrique est d’éviter la chambre d’isolement pour le patient », selon la HAS. La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Adeline Hazan, a rappelé, en mars 2016, que les mesures de « contention et d’isolement doivent constituer le dernier recours, c’est-à-dire quand on a essayé tout le reste » (cf APM CDB6O3RXA4).
Cela dit, ces CSI demeurent une constante des établissements psychiatriques; un équipement particulier qui nécessite de nombreuses adaptations techniques et une organisation particulière. Il interroge techniciens et ingénieurs hospitaliers, ces derniers aidant à assurer la sécurité.
Questions autour des spécificités techniques de la chambre d’isolement
Où placer cette chambre dans le bâtiment? Combien de portes doit-elle posséder? Faut-il un sas? Faut-il placer le lit au milieu de la chambre? Le sceller au sol? Faut-il installer un hublot sur la porte? Quelle taille de la chambre à minima? Quel revêtement des murs? Et le plafond? Dans quel sens les portes doivent-elles s’ouvrir? Comment renforcer la sécurité des fenêtres? Faut-il installer une douche ou pas?
« Nous laissons le patient aller au bout de sa crise. Nous souhaitons savoir pourquoi il est là donc nous évitons d’utiliser la ‘camisole chimique’. Du coup, il y a toujours un moment où la situation devient problématique et on sait que nos équipements vont devoir résister », a expliqué Jean-Noël Niort, président d’H360. « On nous dit souvent: vous n’avez pas idée de la violence des crises. Alors construisez fort! »
Pour le personnel médical et pour les techniciens qui gèrent le patrimoine hospitalier, tous les cas de figure doivent être envisagés. Si la sécurité du personnel soignant est une priorité, il faut également éviter que le patient ne s’échappe ou qu’il puisse mettre fin à sa vie. Il est important de résister à la violence de la crise, et à l’irrépressible envie de s’échapper d’un lieu qui est vécu comme une prison.
« La sécurité est conditionnée par la réactivité à détecter un potentiel problème », ont témoigné plusieurs représentants d’établissements psychiatriques. Pour les soignants, l’attention doit donc être constante. En effet, « 30% des départs de feu proviennent des chambres d’isolement, alors qu’il est strictement interdit d’y introduire un briquet ».
« Pour entrer dans la chambre, le patient ne doit pas pouvoir bloquer la porte. Nous recommandons donc deux accès dans la chambre avec toujours une porte ‘tirante’ et non une ‘poussante' », ont précisé certains intervenants.
Lors de cette journée, outre les questions techniques d’implantation des chambres d’isolement ont été aussi posées des questions plus fondamentales: comment supprimer un risque sans en créer un autre? Comment respecter la dignité des patients tout en maintenant la sécurité du personnel?
Entre sécurité et dignité des patients
En ce qui concerne les questions de dignité des patients, le contrôleur des lieux de privation des libertés recommande « la présence d’un repère spatio-temporel dans la chambre ». Il s’agit le plus souvent d’une horloge électronique plus ou moins sophistiquée. Il recommande également que le patient puisse accéder à l’extérieur. Mais peu de structures possèdent un accès direct à un jardin.
Les participants ont insisté sur l’importance d’installer cette chambre au rez-de-chaussée et non à l’étage où les conséquences d’une défenestration sont plus dramatiques.
Autre point abordé: comment traiter l’air de la CSI? Faut-il ajouter un ouvrant à la fenêtre? Auquel cas, il faut s’assurer que ce ne sera pas une porte de sortie pour le patient. « Nous avons eu le cas d’un patient qui a fui grâce à un ouvrant de 11 cm de large », ont expliqué des participants. Quant au vitrage de la fenêtre, les témoignages sont unanimes, « il est nécessaire de les poser à l’envers car le danger vient de l’intérieur et non l’inverse ». En revanche, pas d’obligation d’avoir une climatisation dans la chambre, mais une température minimale de 19°c est fortement recommandée. « La climatisation n’est pas un équipement détérioré par les malades car il apporte du bien-être. »
Une volonté d’harmonisation technique des chambres
« L’harmonisation de ces chambres d’isolement est rassurant pour le patient mais également pour le personnel qui, dans un lieu qu’il connaît bien, aura les bons réflexes », a expliqué Murielle Gaillot, présidente de TGPH. « Les mêmes fonctionnalités d’un pavillon à l’autre sont nécessaires, c’est moins perturbant pour le patient et plus sûr pour les soignants », a complété le président d’H360.
Cette harmonisation est souhaitée par les soignants et les techniciens mais n’est pas toujours facile à obtenir de la part des chefs d’établissements. En effet, « les stratégies de soins sont parfois très différentes d’un médecin à un autre et si certains souhaitent une ambiance sécuritaire, d’autres préfèrent un traitement plus souple », a précisé Jean-Noël Niort.