Société de l'Information Psychiatrique

Soins sans consentement: dix départements champions des admissions pour péril imminent

Le 17 février 2017
PARIS, 17 février 2017 (APMnews) – Dix départements admettent en soins pour péril imminent (SPI) plus de quatre patients sur 10 suivis en soins sans consentement, relève l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (Irdes) dans son étude sur « les soins sans consentement en psychiatrie: bilan après quatre années de mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2011 », parue jeudi.

Certains résultats de cette étude ont déjà été relayés par la mission de l’Assemblée nationale d’évaluation de la loi de 2013 sur les soins psychiatriques sans consentement, qui a rendu son rapport mercredi.

Les deux rapporteurs, les députés Denys Robiliard (socialiste, Loir-et-Cher) et Denis Jacquat (Les Républicains, Moselle), se sont en effet appuyés sur ces données pour pointer le fait que le nombre de patients en soins sans consentement avait augmenté de plus de 15% entre 2012 et 2015 (cf APM VL7OLDIBM) et pour dénoncer « une certaine banalisation du recours aux procédures d’urgence » (cf APM VL5OLDEFG).

Pour rappel, trois modes d’admission sont prévus pour les soins psychiatriques sans consentement: les soins à la demande d’un tiers, en urgence ou non (SDT ou SDTU), les soins en cas de péril imminent sans tiers (SPI), et les soins sur décision du représentant de l’Etat (SDRE).

La procédure de SPI est allégée par rapport à celle de SDT, puisque l’intervention de tiers n’est pas requise et qu’elle nécessite un seul certificat médical, au lieu de deux certificats médicaux et d’une demande manuscrite du tiers pour le mode SDT.

L’Irdes relève dans son étude que « le nombre de personnes admises en SPI a plus que doublé depuis sa mise en place en 2011-2012 ». Ainsi, 19.500 personnes ont été admises en SPI en 2015 contre 8.500 en 2012, soit une hausse de… 128%.

« Les SPI représentent désormais 21% des soins sans consentement. Initialement destinée aux personnes désocialisées ou isolées, pour lesquelles il était difficile de recueillir la demande d’un tiers, cette mesure a connu une montée en charge qui dépasse la procédure d’exception », commentent les auteurs de l’étude, Magali Coldefy (Irdes), Sarah Fernandes (université Aix-Marseille), avec la collaboration de David Lapalus (agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca)).

L’Ardèche et l’Ariège premiers utilisateurs de la procédure SPI en 2015

Et « la proportion de SPI au sein des soins sans consentement est très variable selon les départements, ce qui questionne les pratiques et modes d’organisation des soins en urgence des établissements de santé et des autres acteurs du territoire », s’enquièrent aussi les auteurs.

Ainsi, alors qu' »au niveau national, deux patients en soins sans consentement sur dix l’ont été au moins une fois en SPI en 2015, c’est le cas de moins d’un patient sur dix dans 22 départements », mais de plus de quatre patients sur dix dans 10 départements.

Les premiers utilisateurs de la procédure sont l’Ardèche et l’Ariège, avec 50% des patients admis en soins sans consentement passés par la procédure SPI en 2015, suivis de la Creuse (48%), l’Eure (45%), la Savoie (43%), le Bas-Rhin et la Drôme (41%), les Hautes-Pyrénées, les Hautes-Alpes et les Ardennes (40%).

A l’inverse, l’Aude, le Cher, la Nièvre, l’Orne et la Sarthe n’ont pas utilisé ce mode d’admission en 2015.

De plus, « au sein même des départements, les pratiques peuvent fortement varier d’un établissement à l’autre, voire d’un service à l’autre », relèvent les auteurs de l’étude. « En 2015, parmi les 260 établissements publics autorisés en psychiatrie, 40 n’ont déclaré aucun patient admis en SPI. »

A l’inverse, « 40 autres ont déclaré avoir accueilli plus de 35% des patients en soins sans consentement sous cette modalité. Ces établissements ont concentré à eux-seuls 36% des patients en SPI, alors qu’ils prennent en charge 19% des patients admis en soins sans consentement et 16% de la file active suivie globalement en psychiatrie en France », notent-t-ils.

« La montée en charge de ce dispositif et l’hétérogénéité importante de son utilisation entre territoires et établissements interroge sur ses finalités », commentent-ils.

« Dans quelle mesure les SPI facilitent-ils l’accès aux soins dans des situations complexes et des contextes d’urgence ou portent-ils atteinte à la liberté des personnes par la simplification des procédures d’admission? », interrogent-ils.

Une durée moyenne de séjour plus courte

Les patients admis en SPI en 2015 ont des caractéristiques cliniques et démographiques « relativement similaires » aux patients admis en soins à la demande d’un tiers, relatent les auteurs. « Les troubles psychotiques (y compris schizophréniques) sont majoritaires, mais les personnes admises en SPI se démarquent légèrement par une fréquence plus importante des troubles de la personnalité ou des troubles liés à l’addiction et des troubles névrotiques. »

Ces patients se distinguent surtout par une durée moyenne de séjour plus courte que ceux en SDT. Ainsi, « 27% (des séjours achevés dans l’année) en SPI en 2015 ont une durée inférieure ou égale à 72 heures (période initiale de soins et d’observation mise en place par la loi de 2011) et 56% moins de 12 jours (délai d’intervention du juge des libertés et de la détention): 16% ont donné lieu à une sortie d’hospitalisation après ces 72 heures, 10% ont été transformés en hospitalisation libre et 1% en un autre mode légal non consenti », écrivent-ils.

« Comparativement, 23% des séjours en SDT ont une durée inférieure à 72 heures et 51% inférieure à 12 jours. La différence s’explique essentiellement par la transformation plus fréquente en hospitalisation libre pour les SPI (10% des SPI sont transformés en soins libres au-delà de 72 heures, contre 6% des SDT) », expliquent-ils.

« Avec la durée plus brève de prise en charge, un des facteurs les plus discriminants de l’admission en SPI semble être le passage par les urgences », précise l’Irdes, comme l’ont pointé également les députés dans leur rapport (cf APM VL5OLDEFG).

L’Irdes écrit que « 63 % des patients admis en SPI en 2015 sont passés par un service d’urgence avant leur admission en SPI, 6% ont été transférés ou mutés depuis un autre service et seuls 31% sont venus directement de leur domicile ».

Alors que pour les personnes admises en SDT, « un passage par les urgences est repéré pour 53% d’entre elles, un transfert ou une mutation pour 7% et une admission depuis le domicile pour 41% ».