Argument
Aujourd’hui comment et qui détermine le champ de la psychiatrie ? Comment envisager le rôle et la place des acteurs de cette discipline à un moment où les décideurs sont devenus totalement extérieurs à des préoccupations cliniques et psychopathologiques ?
Quels buts et quelles missions sont désormais assignés à la psychiatrie ? Qui valident ses résultats et les objectifs atteints ? D’autant que les interlocuteurs externes : magistrats, média, pouvoirs publics, associations d’usagers sont aujourd’hui incontournables.
Entre une exigence de soin et de sécurité du malade, mais aussi au service d’un traitement du malaise social, peu de place demeure pour une réflexion et une pratique clinique à un moment où la psychiatrie semble abandonner un corpus théorique unifié. Il existe un risque majeur d’évincement d’une approche psychopathologique des troubles psychiques.
Les psychiatres et les équipes soignantes ont vu leur pratique se diversifier et se complexifier. On assiste à un morcellement et une hiérarchisation des pratiques au détriment d’une vision globale de la psychiatrie. Comment se situe-t-elle alors par rapport à d’autres champs (neurologie, sciences humaines, …). Quel savoir peut-on désormais transmettre ?
De plus, on observe depuis plusieurs années un glissement des compétences au profit d’une vision purement administrative et productive des lieux de soins .Exit la psychothérapie institutionnelle, le dispositif sectoriel et la possibilité d’une réflexion critique sur notre conception de la maladie mentale et nos pratiques de soins.
Les équipes (infirmières, psychologues, rééducateurs, travailleurs sociaux, …) ne sont pas épargnées: pénibilité et fractionnement des missions font désormais partie de leur quotidien. Face à de telles questions, nos journées doivent nous donner l’occasion de retrouver un espace pour penser et défendre une vision clinique et une pratique soignante résistant au courant dévastateur de la libre entreprise et de la soumission à un hygiénisme « bien pensant ».